Idriss Deby, le président tchadien, prend le taureau par les cornes. Après avoir ordonné l'envoi de 2.000 hommes et le déploiement de 400 véhicules militaires, dont des chars, de véhicules blindés et des pick-up, au Cameroun et au Nigeria, il réclame une coalition des Etats de l'Afrique centrale pour stopper l'avancée de Boko Haram, un groupe terroriste ui multiplie les incursions depuis ses bases du nord-est du Nigeria. « Nous ne pouvons pas rester indifférents sur ce qui se passe chez nos voisins. Nous sommes concernés directement. Nous estimons que le Cameroun ne doit pas faire face seul à cette nébuleuse qui a fait trop du mal aux populations innocentes. Je lance un appel aux pays de la Communauté de l'Afrique centrale et à tous les pays du continent africain afin qu'ils viennent avec nous pour former une large coalition pour faire face à cette nébuleuse Boko Haram et montrer à la face du monde que l'Afrique est capable de résoudre ses problèmes », dit-il avant de définir le premier objectif assigné à ses troupes : reconquérir Baga, la ville siège de la force régionale formée pour lutter contre Boko Haram, prise le 3 janvier dernier par la secte que dirige Aboubakar Shekau. Selon Amnesty International, quelque 2.000 personnes auraient été exécutées de sang froid par le groupe lors de cette attaque. Un massacre qualifié de « crime contre l'humanité par la communauté internationale ». François Hollande et John Kerry ont parlé de « crimes contre l'humanité ». Leïla Zerrougui, la sous-secrétaire générale de l'ONU, appelle à une « réponse régionale ». Pour elle, la décision du Tchad, y compris le déploiement à Maroua de « plusieurs hélicoptères MI-24 » est une bonne chose, mais elle doit passer par une meilleure coordination avec le Nigeria qui entend rester le meneur. Tout en apportant son soutien conditionnel à l'envoi de soldats tchadiens dans le cadre de cette Force multinationale, le pays le plus peuplé d'Afrique estime que ce « soutien » doit se conformer à ses propres opérations. Comme Deby, John Dramani Mahama, le président ghanéen, qui préside la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, estime lui aussi qu'il ne peut « pas rester là sans rien dire, à attendre les bras croisés que la communauté internationale intervienne ». Le Ghanéen suggère la création d'une force militaire régionale. Il compte demander lors du 24e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA qui se tiendra du 23 au 31 janvier à Addis-Abeba, une autorisation pour créer cette force. Son argument ? « Le terrorisme est comme un cancer. Si nous ne le traitons pas, il va continuer à se développer. Il menace tout le monde dans la région. Quand il s'agit de terrorisme, personne n'est trop loin ni trop près », dit-il. Boko Haram, qui a lancé une offensive d'envergure en janvier dans le nord-est du Nigeria, qui a multiplié les incursions en territoire camerounais et à la frontière tchadienne, et dont les combattants sont également présents à la frontière du Niger, tiendra-t-il tête à ces deux coalitions régionales annoncées ?