Au cœur de la capitale nigérienne, quadrillée par les forces de sécurité déployées en force devant le Parlement, la marche de l'opposition traduit l'entrée en scène dans l'arène instituée par la dérive sanglante de Charlie Hebdo désormais lâchée par une bonne partie de l'opinion française. 42% des personnes questionnées, selon un sondage réalisé par Ifop pour Le Journal du Dimanche, se sont prononcées contre la publication des caricatures. Le Niger a particulièrement souffert de l'héritage de Charlie participant à ancrer les fractures entre le monde musulman et l'Occident. Le bilan est éloquent : 10 morts, 10 églises incendiées, 300 chrétiens placés sous protection militaire, plusieurs agences du Pari mutuel urbain, des kiosques de l'opérateur Orange saccagés. La cathédrale de Niamey est, elle aussi, menacée. Dans le cas nigérien, parti de la Grande Mosquée de Niamey, le mouvement s'est étendu à la classe politique bravant l'interdiction émise par le gouvernement « en raison de la situation qui y prévaut ». A l'appel de l'ARDR (Alliance pour la réconciliation, la démocratie et la République), composée des principaux partis de l'opposition, dont le Moden (Mouvement démocratique nigérien) de l'ex-président du Parlement, Hama Amadou, en fuite en France après son implication dans un trafic international présumé de bébés, une manifestation de moindre ampleur a été lancée pour dénoncer « le concassage des partis d'opposition et la mauvaise gouvernance », selon un des organisateurs, Soumana Sanda. Elle a été dispersée à coup de gaz lacrymogènes par la police qui a procédé à l'interpellation de 7 manifestants, dont un ancien ministre. Dans tous ses états, le Niger veut renouer avec le calme. Dans une intervention télévisée, le président Mahamadou Issoufou, annonçant une enquête pour identifier les responsables qui seront « châtiés conformément à la loi », s'est longuement interrogé sur la signification et les motivations des attaques contre la communauté chrétienne. « De quel tort sont coupables les églises et les chrétiens du Niger ? », s'est-il demandé. Il a, à ce propos, fustigé « ceux qui n'ont rien compris à l'islam » et « ceux qui pillent ces lieux de culte, qui les profanent, qui persécutent et tuent leurs compatriotes chrétiens ou les étrangers qui vivent sur le sol de notre pays ». La logique de représailles est redoutée. « Savent-ils qu'en se comportant de la sorte, ils incitent les populations des pays où les musulmans sont minoritaires à profaner et à détruire les mosquées ? », a averti le président nigérien. Le piège de la guerre de religion est posé.