Elle s'inscrit dans le cadre des activités la police de proximité en direction des personnes vulnérables », souligne le responsable de la communication à la SWA, le commissaire de police Ahmed Belkacem Nacer. Cette opération, la cinquième du genre depuis le début de l'hiver, consiste en la distribution de repas chauds. Elle a ciblé à Alger-Centre les personnes sans abri. « Cette initiative sera généralisée à travers les 13 sûretés de daïra de la capitale », a assuré le responsable. Plus de 460 repas ont été distribués durant ces opérations, soit une moyenne de 160 repas par opération. Quand les policiers cèdent leurs repas aux SDF Concernant le budget alloué à cette opération, le responsable de la communication a tenu à préciser que c'est une initiative propre à la SW d'Alger. « Des policiers ont décidé de céder leurs repas à ces personnes. Ce sont des repas destinés au personnel de la police, préparés au niveau de la SW d'Alger et contrôlés par notre médecin », a expliqué le cadre. « A chaque fois que je rentre chez moi le soir, je croise des familles dans les rues, notamment des enfants. Et cela me brise le cœur. Ce geste est la moindre des choses qu'on puisse faire en direction de ces personnes. Le policier est aussi un citoyen », précise un agent de police. Pour cette opération, la SW d'Alger a déployé, entre autres, une ambulance médicalisée. Il était 19h quand le convoi a quitté le siège de la SW d'Alger. Première halte : le boulevard Amirouche. « Les familles avec enfants préfèrent passer la nuit près des commissariats et des institutions et édifices publics où la sécurité est assurée », dira Djilali. Cet homme de 64 ans, originaire de Khemis Miliana, dans la wilaya d'Aïn Defla, père de cinq enfants, est à la rue depuis 8 ans. « J'ai quitté ma famille qui est installée actuellement à El Harrach. Je vis d mendicité », dit-il. Djilali est connu pour être un « abonné » du restaurant de la police. « Je me rends fréquemment à la Sûreté de wilaya d'Alger pour quémander de quoi manger. On me traite avec dignité, alors que des restaurateurs me refusent même les miettes », raconte-t-il. Auparavant, le sexagénaire passait ses nuits sur les paliers des immeubles, mais il en a été chassé. « On nous interdit l'accès aux immeubles parce qu'on est soi-disant dangereux et sales. Ils nous chassent comme des chiens, alors je dors n'importe où et j'ai appris à côtoyer le froid », résume-t-i-l. Hiver... je ne t'aime pas Hiba est âgée d'à peine 6 ans. Souriante, elle s'amuse avec son cartable rose. Sa maman est moins encline à l'égaiement. Assise sur les escaliers du siège du restaurant des étudiants au boulevard Amirouche, elle a le visage fermé. Elle refuse de raconter son drame. « J'ai trop parlé, j'ai saisi tout le monde, en vain. Aucune solution ne m'a été proposée. Je suis dans la rue depuis 5 ans après avoir été chassée de chez moi à Chlef par mon mari. Je suis en instance de divorce », raconte-t-elle. Cette maman avec deux filles est hébergée actuellement par une dame âgée qui lui a loué une chambre, « plutôt un coin ». « Dieu merci, ma fille est scolarisée, je vis de mendicité et des aides des âmes charitables. » Cette femme attendait le passage des policiers cette nuit pour emporter les repas « chez elle ». De même pour Douaâ, 6 ans, Yousra 8 ans, Hanane 19 ans, étudiante. Leur père, condamné à la prison pour escroquerie et trafic de drogue, est responsable de cette situation, selon la maman. « Il a hypothéqué notre logement et l'affaire est en justice. Nous avons trouvé un abri devant la mosquée de Bachdjerrah et je dois mendier pour subvenir aux besoins de mes filles. Nous allons manger et rentrer chez nous », dit-elle. La petite Douaâ tremblait de froid et suppliait sa maman de rentrer « chez eux ». La fillette a passé l'après-midi dans une cage d'escalier pour fuir la pluie battante en cette journée. « Elle est habituée au froid. On est à la rue depuis 6 ans, elle a grandi dans ce lieu », explique sa mère. Autre lieu, autre halte. Le square Port Saïd. Mohamed, septuagénaire, est en rogne, d'autant qu'il vient d'être ébloui par le flash de l'appareil photo d'un confrère. « Laissez-nous en paix. Le P/APC m'a chassé de mon petit kiosque, qui était mon moyen de subsistance, et personne ne m'a soutenu. La rue, c'est chez moi. Dégagez ! », lance-t-il. Des policiers interviennent pour le calmer. Il est ensuite examiné par un médecin. L'homme souffre de diabète. Soudain, il éclate en sanglots : « C'est difficile, très difficile de vivre dans la rue avec tous les risques que cela comporte, on perd son humanité et sa dignité. » Cette nuit, il se contentera d'une tisane chaude. « Les policiers viennent à notre aide, nous soulagent. Je les vois même caresser les visages des enfants. Les autres nous jettent du pain comme... », tempête-t-il. Un peu plus loin, trois hommes attendaient d'être servis. « Vous êtes bien tombés, j'ai vraiment faim », lance le plus jeune en souriant à la policière. « Finalement, vous faites de la bonne cuisine, c'est délicieux », ajoute-t-il. Au boulevard Mohamed-V, un vieil homme assis près d'un tas d'ordures se lève précipitamment pour prendre la fuite croyant à une arrestation. Soulagé, il demandera deux bols de soupe parce qu'il « a vraiment faim ». Il est venu de Tizi Ouzou pour s'installer chez son frère, le temps de trouver du travail. « Mais il m'a chassé parce que sa femme ne voulait pas de moi. Je suis dans la rue depuis 10 ans et je vis en faisant les poubelles », raconte-t-il. Un carton comme unique chauffage 21h30. Rue Mohamed-Belouizdad. Une femme dort sur des cartons. Les policiers n'osent pas la réveiller. La femme officier dépose devant elle un bol de soupe et une tasse de tisane et s'éclipse. Rue Didouche-Mourad. Un quinquagénaire natif d'Aïn Defla est allongé sur un carton, recouvert d'une bâche en nylon. Il grelotte de froid. Effrayé par le crépitement des flashs des appareils des nombreux photographes. Minuit. La ronde humanitaire des policiers prend fin. Demain sera un autre jour pour ces sans-abri.