Le phénomène a fait les unes de la presse internationale à l'occasion, notamment, de la récente prise d'otage qui s'est déroulée en Australie ; les qualificatifs n'ont pas manqué alors pour dénoncer ces touristes et autres badauds qui n'ont pas raté « l'occasion » pour se prendre en photo au plus près du Lindt Chocolate Cafe où avait lieu la prise d'otages. Quelques scènes avaient ainsi été rapportées par le journal australien The Daily News, cité par le site www.metronews.fr, qui pointait du doigt ces touristes qui se sont ainsi photographiés, souriants, devant les véhicules de police. Parmi eux, deux Françaises qui se sont arrêtées « le temps de se remettre du rouge à lèvres », mais aussi « deux Espagnols avec des lunettes fluo qui ont posé devant les ambulances en stationnement ». Ces mêmes sources ont également repris quelques commentaires suscités par ces comportements, dont celui d'un habitant de la ville qui trouvait que « -c'est affreux, ils n'ont pas de sentiments. Des personnes sont prises en otages et ils ne trouvent rien de mieux à faire que de se prendre en photos ». D'après les écrits de presse sur ce sujet, l'utilisation du mot selfie a été retracée, pour la première fois, en 2002, lorsqu'un internaute australien l'a introduit dans un forum de discussion, pour expliquer la diffusion d'une photo floue prise de lui-même ; il expliquait, en effet, les conditions et circonstances de la prise de cette photo survenue après avoir passé une soirée bien arrosée, à l'occasion de l'anniversaire d'un des ses amis. L'histoire de cette origine du mot est relatée par le site de la radio française europe1.fr qui reprend, par là même, la description de ce que doit être une photo prise en selfie, donnée par un expert en 2011 : « Pour être authentique, elle doit remplir plusieurs critères : être prise par l'intéressé avec un téléphone portable ou un appareil photo basse définition, l'angle est généralement une plongée à hauteur de bras et le regard fixe l'objectif ». Le phénomène des selfies prend de l'ampleur, encouragé par des innovations technologiques imposées aux constructeurs des équipements technologiques, particulièrement les téléphones portables, dits intelligents. De nombreux sociologues et psychologues se sont, de leur côté, mis sur l'étude de cette nouvelle tendance pour en dégager les traits caractéristiques. Là où certains voient de l'égocentrisme, du narcissisme d'adolescents, d'autres évoquent des déséquilibres pathologiques. Une récente étude d'une université américaine relatée tout récemment par la presse et qui a tenté d'expliquer cette nouvelle façon de s'exposer sur les réseaux sociaux, a fini par conclure que « les hommes qui postent beaucoup de selfies auraient une forte tendance narcissique et psychopathe », écrit le site du quotidien français lefigaro.fr qui a traité des résultats de cette enquête « publiée dans la revue Personnality and Individual Differences », à l'initiative de l'université de l'Ohio. Elle a porté sur un échantillon de 800 hommes âgés entre 18 et 45 ans qui ont été soumis à « des questionnaires cherchant à évaluer leurs tendances narcissiques et psychopathiques ainsi que la fréquence de publication de selfies sur les réseaux sociaux », rapporte lefigaro.fr qui a repris les analyses de Jesse Fox, enseignant en communication à l'université de l'Ohio, à l'origine de cette enquête, qui croit que « les hommes qui publient beaucoup de selfies sur les réseaux sociaux seraient des personnes narcissiques et psychopathes. » Après avoir donné les caractéristique du narcissique et du psychopathe, le chercheur a fini par estimer que « les résultats n'indiquent pas que les hommes sont nécessairement des narcissiques ou des psychopathes quand ils publient des selfies », précise le site du quotidien français. Il y a un peu plus d'une année déjà, le site de la radio française europe1.fr donnait quelques indications chiffrées sur l'ampleur prise par le phénomène. Se basant sur les « les outils de recherche des Oxford Dictionaries, capables d'analyser près de 150 millions de mots anglais utilisés sur internet chaque mois », le site rapporte que « l'usage du terme selfie a augmenté de 17.000% sur les 12 derniers mois », ajoutant, un peu plus loin, que « durant l'année 2013, les recherches Google sur le mot selfie ont également explosé, passant d'une dizaine de recherches quotidiennes au début de l'année, à une centaine en novembre. Sur Instagram, 56 millions de selfies ont été partagés sous le hashtag #selgie. » Le site europe1.fr fait, également, référence à une étude de terrain menée en août 2013, évoquée FTVi, indiquant que « la moitié des Britanniques ont déjà réalisé un selfie. 35% d'entre eux le font pour immortaliser un bon moment, 34% pour se souvenir d'un instant drôle, 15% parce qu'ils se trouvent bien habillés, bien coiffés (14%), ou juste confiants (13%) ». De son côté, europe1.fr, constatant que le phénomène traverse toutes les couches sociales, sollicite l'avis d'un chercheur, André Gunthert, enseignant chercheur en culture visuelle qui souligne : « Il y a à peu près un an, les stars, pour être populaires, se sont mises elles aussi à faire des selfies pour se mettre au niveau du public et limiter un comportement vernaculaire ». Cet enseignant de l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris compare le phénomène à « une sorte de lisseur social « car tout le monde veut participer de la même norme, une norme qui vient d'en bas et pas d'en haut », explique-t-il sur le site europe1.fr Si l'on sort de l'ornière des analyses psychologiques, on s'aperçoit que le phénomène des selfies est une réalité qui fait se mouvoir tout un secteur industriel, celui des fabricants de téléphones portables qui rivalisent d'innovations pour offrir les meilleurs angles et résolutions de prises de photos. « Nokia, Samsung, Lenovo, Huawei font de cette mode des autoportraits leur premier argument marketing », écrivait le site du quotidien français lefigaro.fr, dans un compte- rendu de presse consacré au salon des nouvelles technologies de Berlin, dans lequel le journaliste du site lefigaro.fr constate qu'à « force de voir leurs clients et toutes les personnalités politiques et médiatiques s'emparer de leurs smartphones pour faire des autoportraits - des selfies -, les fabricants de smartphones ont décidé d'en faire leur premier argument marketing devant la 4G ou le design. » Le site fait alors un tour d'horizon des principales innovations proposées pour accompagner ce phénomène à la mode. A commencer, explique-t-il, par le fabricant Acer qui a introduit un bouton déclencheur à l'arrière de l'appareil, afin, écrit-il, « d'éviter que celui qui prend la photo soit obligé de se contorsionner. Quelque temps avant son absorption finale par le géant Microsoft, le fabricant finlandais Nokia a eu le temps de proposer son « Lumia 735 », avec comme spécificités dédiées à l'autoportrait « un capteur de 5 mégapixels et un large angle de vue pour prendre des photos en groupe », ainsi qu'une application « Lumia Selfie, qui permet de corriger les yeux rouges, d'améliorer le teint, d'agrandir les yeux ou d'ajouter des effets en tous genres, des filtres... » Non loin de tout cela, le géant sud-coréen n'était pas en reste, selon lefigaro.fr qui le voit faire « la part belle aux selfies dans son nouveau Galaxy Note 4, avec, notamment, la possibilité de faire des photos de groupe en mode panoramique. » Samsung a, également, facilité le déclenchement de la prise de photos, puisqu'il « suffit de passer son doigt devant le flash (situé lui à l'arrière de l'appareil) », explique lefigaro.fr. De son côté, le constructeur chinois Huawei, auteur de la même innovation technologique dont il avait déjà déposé le modèle sous la marque « Groupfie », a lui aussi sorti un nouveau modèle de téléphone de « la nouvelle génération d'Internet mobile très haut débit, permettant aux consommateurs de partager non plus des photos mais des vidéos d'eux », selon le site du quotidien français qui voit déjà à l'horizon une prochaine tendance de « selfvideo » ! Autre fabricant chinois en embuscade sur ce marché, Lenovo a présenté « son nouveau Vibe X2, doté d'une caméra frontale de 8 mégapixels », rapporte lefigaro.fr qui souligne comme principale innovation une plus grande facilité de faire actionner la prise de vue, car, écrit-il, « il suffit de dire « cheese » ou de tapoter l'écran n'importe où pour déclencher une photo. » S'il est aisé de comprendre les implications du phénomène des selfies sur l'industrie des téléphones portables, le rapport, pourtant avéré, avec la chirurgie esthétique peut paraître moins évident. « Si ceux qui les prennent sont souvent tellement contents de leur cliché qu'ils le postent dans la seconde sur les réseaux sociaux, ceux qui le sont encore plus qu'eux sont les chirurgiens esthétiques », souligne le site français http://lci.tf1.fr/ qui s'est intéressé, en décembre dernier, à cette aubaine qui se profile à l'horizon des praticiens en chirurgie plastique. Le site évoque le phénomène des selfies présenté comme « incontestablement la meilleure expression du culte de soi qui frappe les sociétés actuelles » et traite de son impact sur l'explosion de la demande en actes de chirurgie esthétique, estimant à « un tiers d'opérations de chirurgie à cause des réseaux sociaux ». Le site relate ainsi l'expérience racontée à l'agence Reuters par le chirurgien américain Sam Rizk qui a reconnu une nette progression de business en raison de ce phénomène. En effet, il part du constat que « nous allons tous trouver qu'il y a quelque chose qui ne va pas quand nous nous prenons en photo » pour confier ensuite à Reuters « voir de plus en plus de personnes demander une intervention par-ci, une retouche par-là. » Le site lci.tf1.fr conforte les propos de ce praticien par les conclusions d'une « enquête réalisée par l'Académie américaine de chirurgie faciale et reconstructive », qui dévoile des informations selon lesquelles « un tiers des interventions demandées sont désormais faites par des patients souhaitant améliorer leur image sur les réseaux sociaux. Il s'agit, principalement, de rhinoplastie (+10%), de greffe des cheveux (+7%) et de retouche des paupières (+6%). » Encore loin de relever totalement de la psychopathie, la prise de vue individuelle et l'exposition de soi sur les réseaux sociaux participent de ces nouvelles tendances socio-affectives encouragées par le développement du web et des capacités qu'il offre en matière de création et de publication de contenus. Encore un phénomène qui s'inscrit en droite ligne des promesses utopiques de la technostructure internet et de son imaginaire libertaire.