Encore une autre petite start-up californienne qui grandit vite, domine le marché nord-américain et décide se lancer à la conquête du vieux continent. « Netflix est une entreprise américaine proposant des films en flux continu sur Internet et implantée en Amérique du Nord et du Sud, dans les Caraïbes, et dans certaines parties de l'Europe (Danemark, Finlande, Irlande, Pays-Bas, Norvège, Suède, et Royaume-Uni). Elle a été fondée en 1997 et son siège est situé à Los Gatos en Californie », détaille le site de l'encyclopédie en ligne Wikipedia qui donne un long aperçu historique de cette société lancée en 1997 par « Reed Hastings, qui a obtenu un diplôme d'intelligence artificielle à l'Université Stanford ». Son application pour Unix créée en 1991 et revendue quelque temps plus tard lui rapporte une coquette somme de 75 millions de dollars avec laquelle il décide de lancer l'affaire. En 2002, elle est introduite en Bourse sous l'indice Nasdaq pour, souligne Wikipedia, « la vente de 5.500.000 parts d'actions ordinaires au prix de 15 $ par action » et parvient, dès 2009, à proposer un catalogue de 100.000 titres pour plus de 11 millions d'abonnés. L'année passée, son portefeuille d'abonnés atteint 40 millions, répartis sur 52 pays. Actuellement, le succès du business de Netflix se traduit par le fait, selon le site lefigaro.fr qu'il « pèse aujourd'hui plus de 30 % du trafic Internet en soirée aux Etats-Unis, son pays d'origine, et comptait au mois de mars près de quarante-huit millions d'abonnés à travers le monde. » Il offre un choix de plus 100.000 références d'œuvres audiovisuelles diverses, dont des films, séries de télévision et d'animation, accessibles en illimité sur plusieurs terminaux de réception y compris les mobiles, en contrepartie d'un abonnement mensuel estimé à 6 euros. L'originalité du catalogue de Netflix, est qu'il comporte une variété de séries télévisuelles constituée d'œuvres, poursuit le site, « achetées chez les autres, dont l'intégralité des épisodes est mise en ligne au même moment, mais aussi produites à la maison, telle House of Cards, diffusée par Canal+ ». D'après le site www.android-mt.com, Netflix serait ainsi parvenu à imposer le service vidéo à la demande sur abonnement (SVOD) « comme le mode de consommation délinéarisé privilégié des Américains, devant la VOD ou la catch-up TV », obtenant du coup, en 2013, « plus de 3 milliards de dollars de chiffre d'affaires », faisant passer ce service, à fin décembre dernier, à « 67 % de toutes les transactions numériques ! » Surfant sur la tendance mondiale en matière de production audiovisuelle, Netrflix joue sur le registre de séries propres qu'il finance, reprend celles d'autres producteurs en les réactualisant et envisage de lancer des séries d'animation en exclusivité. Sur le marché français qu'il compte investir dès le mois de septembre prochain, suscitant déjà beaucoup de remous et de craintes sur le devenir de l'équilibre du paysage audiovisuel français, Netflix va dans le sens de l'encouragement de la production de contenus français, le journal Le Figaro annonçant même qu'il aurait passé un accord avec un producteur français pour tourner, dans le sud de la France, une série originale de même qu'il aurait confié au producteur cinématographique Gaumont le soin de produire deux séries. A l'approche de l'échéance de septembre, les acteurs du paysage audiovisuel européen, et français en particulier, donnent des signes de frémissement masquant une gêne, voire même une inquiétude profonde, devant les impacts envisageables de l'arrivée de ce géant. Le premier coup dur est à attendre au niveau de l'offre tarifaire qui sera d'à peine 6 euros par mois, soit comme le souligne ce même site « Netflix coûte moins cher que la redevance TV et que la plupart des bouquets de chaînes privées. » Rajouté à cela un catalogue d'une richesse inégalé que l'abonné peut utiliser à tout moment, de n'importe quel endroit et sur une variété incomparable de supports fixes et mobiles. Le tout agrémenté de deux belles spécificités : l'absence d'écrans publicitaires ainsi que l'octroi de périodes d'exclusivité pour les abonnés sur les œuvres à succès qu'il aura lui-même produites. Avec une offre riche, variée et bien ciblée, Netflix est vu par le P-DG de l'opérateur français Ornage, cité par le journal Le Figaro, comme « un rouleau compresseur, ou un bulldozer, qui va arriver avec une immense campagne de marketing. Il propose un produit qui peut avoir un impact profond, et donc bousculer les équilibres qui existent aujourd'hui dans le paysage audiovisuel ». Une menace qui se précise à l'image de cette interpellation faite par un ancien cadre de TF1 au patron de Canal +, et rapportée par le site du quotidien économique français latribune.fr : « Je passe deux ou trois mois par an aux Etats-Unis et je suis abonné depuis quelques années à Netflix, dont je connais bien le catalogue et les séries. Et je me dis que lorsque je paie 7 dollars par mois pour Netflix, pourquoi continuerais-je à payer 40 euros pour avoir Canal+ ? ».Si on tient compte, en plus, du fait que l'opérateur américain a décidé de s'installer en Hollande dès 2015, où, explique lefigaro.fr « il ne sera pas tenu de respecter les mêmes obligations de financement et de quotas d'œuvres françaises que les chaînes de télé et les services de SVOD tricolores », il y a beaucoup de raisons de comprendre l'inquiétude des professionnels et opérateurs de l'audiovisuel du vieux continent. Pour le cas spécifique de la France, qui continue encore à disposer d'un paysage audiovisuel parmi les plus soumis à la régulation dans le concert des pays développés, après la gêne, l'heure est à la réflexion pour des stratégies d'adaptation, sachant que l'échéance est inexorable et la concurrence insoutenable. Réaliste, la directrice du Centre national de la cinématographie (CNC) admet, sur les pages du site lefigaro.fr que « Netflix est un diffuseur qui a montré ses capacités d'innovation dans les marchés où il s'est installé », rappelant que son souhait est « qu'il s'insère dans un partenariat gagnant-gagnant avec le secteur de la création française et européenne. Il est important que les revenus issus de la diffusion contribuent au financement et à l'exposition de la diversité. » Certains fustigent le côté fiscal de cette affaire, dans la mesure où la charge de l'impôt ne sera pas équitable, ce qui pourrait encore déséquilibrer davantage les rapports de force. Pour le directeur général de la société française des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Pascal Rogard, interrogé par le même site, « L'installation de Netflix en Hollande, c'est l'exemple parfait de la faillite de Bruxelles qui permet à des multinationales du Web d'échapper à l'impôt ». De leur côté, les patrons des chaînes de télévision française regardent plutôt du côté des pouvoirs publics qu'ils pressent pour saisir enfin l'occasion et débrider un peu le champ réglementaire qui régit le secteur de l'audiovisuel. Avec l'arrivée de Netflix, « on sait maintenant qu'il faut que les règles du jeu changent vite » souligne le patron de TF1, relayé par celui du groupe M6 qui dit au site lefigaro.fr « il y aurait une grande hypocrisie à dire que Netflix est dangereux et de n'en tirer aucune conséquence. Les pouvoirs publics doivent adapter la réglementation française devenue totalement obsolète avec l'arrivée d'acteurs internationaux. » Dans le sillage de ces déclarations, lefigaro.fr croit comprendre que leurs souhait est de voir sauter certains verrous réglementaires, tels, explique-t-il « les jours interdits de cinéma à la télévision, les secteurs interdits de publicité, les règles de parrainage ou encore certaines obligations de productions imposées aux chaînes. » Au-delà du seul cadre réglementaire ou du nécessaire maintien des équilibres économiques du secteur audiovisuel classique, il ressort de la plupart des analyses tirées de cette nouvelle situation que la force d'opérateurs tels que Netflix est d'avoir saisi et anticipé de nouvelles tendances lourdes dans le domaine des industries culturelles imposées par l'internet et les technologies numériques. Pour l'industrie audiovisuelle, la nouvelle tendance est à la délinéarisation des programmes, soit, comme l'explique le site www.letelegramme.fr « les programmes se consomment désormais n'importe où (télévision, smartphone, tablette...) et n'importe quand. En 2013, on comptait ainsi 3,76 milliards de programmes visionnés sur le mode de la « catch up TV » soit 50 % de plus que l'année précédente. » Une seconde donnée imposant une restructuration mondiale de l'audiovisuel est l'arrivée des géants de l'internet dans la production de séries et autres œuvres audiovisuelles spécifiques et bien ciblées. Sur les traces de Netflix, beaucoup d'autres ont en effet décliné cette année des projets d'œuvres de fictions exclusives destinées à leurs internautes. Ainsi, le géant des logiciels a-t-il décidé de lancer, dès le mois de juin prochain, des contenus réservés à ses abonnés. Le letelegramme.fr ajoute aussi l'expérience de Yahoo qui « annonçait, quant à lui, le 28 avril dernier, le lancement de deux séries, une de science-fiction (« Other Space ») et une comédie (« Si City Saints ») auxquelles s'ajoutera la diffusion de concerts musicaux live. » La boutique en ligne Amazon n'est pas en reste pour sa part, avec l'annonce, selon le même site, d'un accord « d'exclusivité avec la chaîne du câble américaine HBO pour diffuser sur sa boutique VOD certaines séries cultes (à l'exception du phénomène « Game of Thrones »), se lancer dans la production de six séries inédites. » En fait et comme le résume bien l'auteur de l'article consacré à ce thème par letelegramme.fr, c'est en fait le réseau internet dont l'émergence et le développement ont dynamisé les techniques de production et de diffusion qui agit comme nouveau support bouleversant l'économie classique de l'industrie audiovisuelle.