« à moins d'un événement imprévisible », précise le vice-président de la Chambre des représentants élue, Emhemed Choaïb, les « frères ennemis » libyens vont devoir rompre avec la logique de la confrontation pour s'enraciner dans le processus de Genève, édictant, lors du deuxième round (26 et 27 janvier), l'urgence d'un gouvernement d'union nationale en dépassement des clivages politiques et l'instauration d'un climat de confiance entre les belligérants. Le pas a été franchi par le Congrès général national (CGN) qui a confirmé, par la voix de son membre Abdoul Kader Houail, la participation aux pourparlers. Mais l'avancée la plus notable reste assurément la satisfaction de la revendication du CGN, appelant à la tenue des négociations en terre libyenne. C'est donc sous de bons auspices que la première session du prochain round du dialogue inclusif, placé sous l'égide de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul), se tiendra aujourd'hui en Libye. Si le face-à-face n'est pas encore à l'ordre du jour, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Manul a innové dans la promotion des « pourparlers unilatéraux » pour poser « les fondations saines » du processus politique tributaire de deux exigences essentielles : le préalable d'un cessez-le-feu et l'amorce du dialogue incluant des « représentants de toutes les composantes du peuple libyen et les forces sur le terrain, les tribus et les représentants des municipalités ». Au chevet de la Libye, l'Onu tente d'enrayer l'engrenage de la violence destructrice porteuse de risque d'« explosion », aggravé par l'état de banqueroute généré par la guerre des terminaux pétroliers enclenchée par Fajr Libya à Ben Jawad, Ras Lanouf et Brega. Le scénario est particulièrement redouté par les Etats-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie et l'Espagne, mettant en garde contre les effets sur la production et le prix du pétrole. La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, a pointé du doigt, lors la conférence de Munich sur la sécurité, « le mix parfait prêt à exploser... juste aux portes de l'Europe ». Dans le chaos libyen, la « menace existentielle » est davantage traduite par le développement « exponentiel » de Daech, selon la formulation de l'ambassadeur libyen aux Emirats arabes unis et conseiller du Premier ministre libyen Abdullah al-Thani, Aref Ali Nayed, disposant de l'« Emirat de Derna », actif dans sept villes de Libye et menant des attaques dans une douzaine d'endroits dans le pays dont la plus spectaculaire a visé, le 27 janvier dernier, l'hôtel Corinthia au cœur de la capitale libyenne (9 morts dont 5 étrangers). L'effet boomerang qui sonne l'éveil de l'Occident sur le risque libyen éclaire sur le mode inopérant de l'intervention militaire dénoncée en son temps par l'Algérie, alertant sur l'arsenal de guerre à ciel ouvert et la sanctuarisation de la nébuleuse al Qaïda dans la Libye démantelée. Tout légitimement, elle se revendique de la solution politique consensuelle, inscrite, à la demande libyenne, dans les efforts de l'Algérie visant à rapprocher « les points de vue des parties et préparer les conditions d'un dialogue inclusif, à l'exclusion des groupes terroristes reconnus en tant que tels par l'ONU ». Lors d'une rencontre avec les ambassadeurs des pays de l'Union européenne, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, a indiqué que l'Algérie « est en contact avec des pays partenaires, aussi bien de la région que du monde, notamment les pays du voisinage (...) pour forger un consensus sur les contours d'une solution politique interlibyenne négociée de sortie de crise ». Au lendemain de la reprise des pourparlers onusiens, la capitale tchadienne accueillera, jeudi prochain, la rencontre des pays voisins pour poursuivre leur concertation et contribuer à la restauration de la paix de toutes les attentes.