C'est demain que, pour la seconde fois en un an, les électeurs suisses vont être sollicités pour se prononcer sur le virage discriminatoire de la Suisse réputée pour son ouverture sur le monde et ses traditions d'accueil et d'asile. Après l'interdiction des minarets, la double votation du projet de l'UDC, recueillant 200.000 signatures, et du «contre-projet » du gouvernement, considéré «aussi indigne » par les Verts et assimilé à une « version light » par les socialistes, prône la stigmatisation d'une communauté présentée en bouc émissaire dans le Vieux continent en crise profonde, en proie à la montée de l'extrémisme et tenté par le repli identitaire. La crise des valeurs et du modèle d'intégration agite l'Europe en perte de repères. Tout comme en France, préconisant la déchéance de la nationalité, aux Pays-Bas, en Allemagne et dans l'Eldorado scandinave, la Suisse, surfant le « sentiment d'insécurité », prend option pour le renvoi d'étrangers coupables de « viol, délit sexuel grave, d'actes de violence tels que le brigandage », de « trafic de drogue » et d'«abus de l'aide sociale.» Entre le « choléra et la peste », le choix favorise en définitive le principe de l'automaticité des expulsions et se caractérise par son caractère discriminatoire qui exclut de son champ d'application les ressortissants de l'Union européenne. Plus que le phénomène de la délinquance étrangère, le « délit de faciès », cher aux mouvements d'extrême-droite, et la nationalité sont la cible majeure. La stratégie de stigmatisation est présente en force dans une campagne exécrable de l'UDC partie en guerre contre les émigrés qualifiés de « rats » menaçant « l'intégrité de la Suisse traditionnelle ». Lors du débat sur les minarets, des affiches de l'UDC, reprises par le FN, ont associé l'image d'une femme voilée de burqa au drapeau suisse couvert de minarets. Cette vision réductrice ignore l'apport considérable des étrangers, représentant 21,7% de la population totale, dans le développement économique. Les médias ont à cet effet souligné la contribution décisive dans le fonctionnement de certains secteurs, notamment les hôpitaux, sans laquelle ceux-ci seraient sinistrés. Une étude d'Avenir suisse a révélé aussi que 58% des immigrés actifs ont un diplôme d'éducation supérieur (le double de la proportion helvétique) et qu'ils assument 27% des heures de travail effectué chaque jour. Dans ce « marché des peurs grandissantes», investies frauduleusement à coups d'amalgames pour « bouter les moutons noirs» hors de Suisse, la xénophobie en marche privilégie, selon le politologue de l'université de Genève, Passal Sciarini, le retour à une Suisse « plus conservatrice, nationaliste et xénophobe qu'auparavant. » La dérive sectaire est une atteinte aux valeurs et aux fondements de la Suisse multiculturaliste soucieuse d'équilibre communautaire et d'ouverture. Si dans le scandale des minarets, la violation du principe cardinal de la liberté de culte et de conscience « propre à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses », selon les termes de l'article 72 de la Constitution, a posé les jalons de la Suisse discriminatoire, la double votation de la disqualification de l'étranger porte les germes de la division et de la désintégration sociale.