Après le feuilleton Polanski, la saga de la xénophobie transfrontalière et la levée du secret bancaire pour des milliers de fraudeurs français, le pays de la croix blanche revient cette semaine au-devant de la scène. Avec un référendum plutôt atypique. 57,5% des Suisses ont dit non à la construction de nouveaux minarets sur le sol helvète. Une belle victoire pour le parti populiste de droite, l'Union démocratique du centre. Après tout, la confédération chrétienne a tout à fait le droit d'interdire des signes religieux faits de briques et de ciment. Avant elle et à travers sa loi sur la laïcité, la France a ouvert le bal des interdictions, le voile islamique n'est plus toléré dans les établissements scolaires, en attendant que la burqua ne le soit plus dans les lieux publics. Surprise, choc ou rejet de l'autre, le vote des Suisses va nécessairement entraîner la modification de la Constitution au nom du maintien de la paix entre les diverses communautés religieuses. On imagine le désarroi des 300 000 musulmans qui, à force de se fier aux sondages, étaient certains que les minarets allaient s'élever au pays des chalets. La droite populiste se défend de les avoir privés de lieux de culte, même si la campagne menée en faveur du non n'a pas manqué de faire scandale. Des affiches représentant une femme couverte d'une burqua devant le drapeau suisse, couvert de minarets en forme de missiles, n'est pas le meilleur message de paix et de tolérance à faire passer. Trouvant la réponse de l'Iran à l'AIEA enfantine, Bernard Kouchner s'est dit un peu scandalisé par l'interdiction des minarets en Suisse. Il va l'être beaucoup plus, le débat n'a pas attendu le lendemain du vote en terre helvète pour s'ajouter à celui de l'identité nationale. Au rythme où sont exclus les ostentatoires signes religieux, peut-on encore parler de dialogue des civilisations et de paix dans le monde ? Sûrement pas quand on sait qu'au pays de la neutralité, sept Suisses sur dix sont pour que leur pays continue de vendre de l'armement de guerre à l'étranger. Car, en plus du vote sur la question des minarets, les électeurs ont été appelés à se prononcer sur l'interdiction d'exporter des armes. Une Suisse sans armée, initiative lancée par la gauche et les écolos, est ainsi impossible à construire. Quitte à ce que les chars Mowag, les grandes à main Ruag et les avions Pilatus continuent de tuer des civils en Afghanistan, en Irak et au Darfour ? En plus d'être de nature sales, la Suisse ne peut s'en passer de ces guerres plutôt rentables. Sans elles, 10 000 emplois partiront en fumée et quelque 500 entreprises mettront la clé sous le paillasson. Autre argument avancé par les opposants à cette interdiction : après tout, les exportations suisses de matériel de guerre ne représentent que 0,7% du marché mondial. Mieux vaut donc ne pas y mettre terme, la paix continuera d'être malmenée dans le monde avec ou sans les armes made in Suisse. Sacré raccourci pour continuer de perpétuer la tradition humaniste de la confédération qui semble avoir toujours été de façade. Puisque, en trente-sept ans, c'est la troisième fois que ladite interdiction est écartée par voie référendaire. Cependant, il ne faut pas s'attendre à ce que demain la Suisse soit placée sur liste noire, le monde de l'industrie de l'armement n'est pas apte à être réformé, comme l'a été celui de la finance au lendemain de la crise. Pour la simple et bonne raison que ceux qui s'y affairent viennent pour la plupart du Nord. Où, désormais, seule l'odeur de la poudre a droit de flotter sur les saints minarets.