Michael von Graffenried, né en 1957 à Berne (Suisse), vit et travaille comme reporter photographe indépendant à Londres. Il revient sur la polémique suisse après l'interdiction des minarets au pays des Helvètes. La votation suisse de dimanche dernier interdisant l'édification de minarets continue de faire des remous. Vous avez vous-même pris position sur le sujet de façon claire… Il faut d'abord vous expliquer le système de la votation en Suisse. Le pays est une démocratie directe : celui qui récolte 100 0000 signatures peut proposer une « initiative » sur un thème précis qui sera soumis au vote après validation des autorités. Ensuite la Constitution doit être modifiée pour prendre en compte cette initiative. Le problème, c'est que les autorités suisses n'auraient jamais dû valider la dernière, sur les minarets, car elle est discriminatoire vis-à-vis de la population musulmane en Suisse, les plus intégrés de toute l'Europe ! Si la Constitution est amenée à être modifiée en incluant cette initiative discriminatoire, en tant qu'artiste, je m'engage à ne plus exposer mes œuvres en Suisse. Je m'engage à exposer mes photos seulement dans les mosquées suisses qui m'inviteraient. Il faut bouger et ne pas accepter le fait accompli. Ne pas bouger, c'est collaborer. Mais les Suisses ont voté, c'est cela la démocratie… Oui c'est une extrémité. L'autre extrême, c'est la dictature. La démocratie directe a ses avantages, elle a aussi ses inconvénients. Les autorités n'auraient jamais dû valider une entorse aux droits de l'Homme. D'où vient cette peur de l'Islam que l'on constate chez beaucoup de personnes en Europe ? La Suisse est un pays conservateur. Les Suisses ne veulent pas que l'on change leur mode de vie, c'est un pays où rien ne bouge, ce n'est pas pour rien que tout les capitaux du monde se retrouvent en Suisse, c'est à cause de cette stabilité. Les Suisses ne connaissent rien de l'Islam. Ici, ce que l'on ne connaît pas, on le rejette. C'est certainement ce qui s'est passé. Moi j'ai vécu de 1991 à 2000 en Algérie, j'y ai appris beaucoup sur la société musulmane, très riche. C'est un pas que beaucoup d'autres doivent faire. Ses albums de photographies sur le fondamentalisme islamique en Algérie –Algérie, Le rêve brisé de la démocratie (1993) et Algérie, photographies d'une guerre sans images (1998) l'ont fait connaître au niveau international.