Le Pakistan « n'est pas pressé » pour se prononcer sur la demande de l'Arabie saoudite, un allié stratégique qui lui fournit du pétrole à bas prix et une précieuse aide financière, de rejoindre avec des avions, des navires de guerre et des troupes, la coalition qui bombarde depuis le 26 mars dernier les positions du groupe chiite Ansar Allah (Partisans d'Allah), auquel s'est allié l'ancien président Salah, au Yémen, où la situation humanitaire « s'empire de jour en jour ». Notamment à Aden, la deuxième ville du pays, où les combats de rue empêchent l'évacuation des blessés, selon Médecins sans frontières et le Comité international de la Croix-Rouge. Au moins 540 personnes ont été tuées et 1.700 autres blessées depuis le début des frappes, selon l'Organisation mondiale de la santé. Nawaz Sharif, le Premier ministre, ne veut pas irriter son voisin iranien hostile à cette « coalition ». Il l'a dit ouvertement au Parlement qu'il a convoqué, hier, pour une session plénière spéciale dédiée à la demande saoudienne. La plupart des élus, surtout ceux qui se souviennent du prix payé par le Pakistan en Afghanistan et que 20 % de leurs concitoyens sont chiites, partagent son avis. Ils lui suggèrent de se rapprocher davantage de la Turquie, l'autre voisin de l'Iran, pour prôner la voie diplomatique. D'autant que Recep Tayyip Erdogan, le président turc, qui l'a rencontré la semaine passée pour discuter du conflit au Yémen, était hier en visite officielle à Téhéran pour des discussions avec son homologue iranien, Hassan Rohani, sur la crise au Yémen et la situation en Syrie et en Irak. « Nous attendons une réponse qui, je l'espère, va arriver demain », leur dit-il, évoquant la visite du président turc en Iran. Prêt à visiter avec le président turc qu'il rencontrera à Ankara dans « quelques jours » d'autres pays musulmans si l'impasse persiste, le Premier ministre pakistanais invite l'Iran à « prendre part au débat et se demander si ses choix au Yémen sont bons ou non ». Message reçu cinq sur cinq à Téhéran où les dirigeants auraient compris la demande saoudienne au Pakistan comme une tentative de mettre à mal les tractations actuelles sur le Yémen, entre l'Iran, le Pakistan et la Turquie. Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, qui a demandé l'aide du sultanat d'Oman pour arrêter « immédiatement » les frappes de la coalition, sera aujourd'hui à Islamabad pour des entretiens sur le dossier yéménite et de Jaish-ul-Adl (Armée de la justice), un groupe terroriste qui dit se servir du Pakistan comme base-arrière pour mener des incursions en Iran. Ce groupe a tué lundi soir 8 militaires iraniens à Baloutchistan, une province pakistanaise. Nawaz Sharif résistera-t-il longtemps à l'appel saoudien ? Dans les années 80, le Pakistan a envoyé entre 20.000 et 40.000 soldats dans le nord du royaume wahhabite pour protéger la frontière en cas d'attaque... irakienne.