Dans les ténèbres, l'imagination travaille plus activement qu'en pleine lumière, disait, en son temps, le grand philosophe allemand Emmanuel Kant. Il y a, sans doute, une ombre dostoïevskienne et, dans une plus large mesure, «Kafkaienne», qui plane sur ce jeune romancier, tout frais. Un friand des ténèbres. Un mordu de l'angoisse. Un fervent adepte du monde où l'on ne sait faire autre chose que broyer du noir. Dans son premier coup littéraire, Schyzos, petites histoires de gens lambda, un recueil de sept nouvelles, parus à Chihab Editions, Tarik Taouche, s'en va, avec beaucoup de savoir-faire mortifère plonger ses lecteurs, dans une nébuleuse où se succèdent, personnages, événements, destins…où seul le tragique, au sens psychanalytique du mot, a droit de cité. «De Schyzos, lit-on dans la post-face, se dégage une atmosphère, de solitude, d'intérieurs physiques et psychologiques ravagés. La maladie, la mort et le désespoir habitent les personnages qui se dédoublent dans leur métamorphose. Dans une sorte de brouillage temporel, la fête côtoie le macabre; l'amour la décrépitude, la lumière, le noir, la présence, ses fantômes, la mémoire, ses trous». De quoi, en effet, tenir une lecture au terme de laquelle, on sort paradoxalement émerveillé par le talent d'un auteur qui a le tact de décrire en toute beauté la laideur humaine. Au grand bonheur des passionnés de l'amertume esthétique, qui ont entre les mains, une nuée de nouvelles (Lectrice de journal, Sous les pales, l'homme en noir, l'Arum, La montre, Gynécée et H-1) admirablement rédigés par ce nouveau venu dans le paysage littéraire nationale qu'est Tarik Taouche. Un biologiste de formation, qui se distingua, en 2006, par une première consécration en obtenant le premier prix du concours de la meilleure nouvelle organisé par l'établissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger. Schyzos, est sa première œuvre en prose. Et pas la dernière, espérons.