Appelé à apporter son témoignage, en tant qu'administrateur de la banque Khalifa à l'époque des faits, désigné par la commission de la monnaie et des crédits, Mohamed Djellab, ex-ministre des Finances, a indiqué, hier, que la situation de la banque Khalifa « était très complexe car il n'y avait pas de traçabilité dans la situation comptable ». Le témoin a expliqué également qu'il a pu déchiffrer les comptes malgré l'absence de documents et surtout des gestionnaires de la banque durant cette période. « Ma mission était de trouver un équilibres financier qui permettrait à la banque de redémarrer de nouveau », a-t-il fait savoir. « La banque à cette époque avait juste 170 milliards et la plupart des crédits étaient portés dans des comptes d'ordre sans aucune traçabilité », a-t-il ajouté. « La majorité de ces comptes d'ordre étaient destinés à Khalifa Airways, soit 60 milliards de dinars », a-t-il précisé. Djellab a indiqué que durant un mois et douze jours, il avait géré la banque en limitant les retraits des particuliers à 5.000 DA et à sensibiliser les pouvoirs publics pour que les placements des organismes publics, comme les OPGI, ne soient pas retirés pour « pouvoir donner un second souffle à la banque ». Selon lui, la situation a commencé à empirer à partir de novembre 2002 lorsque les clients ont commencé à retirer leur argent en masse. « 12 milliards de dinars ont été retirés un mois avant mon arrivée. Je n'ai trouvé que 20 milliards de dinars dans les caisses de la banque », a précisé le témoin. L'ex-ministre des Finances a expliqué que la situation était si complexe qu'il s'est vu contraint de convoquer une assemblée générale des actionnaires. « Nous avons indiqué à ces derniers qu'il était impératif de trouver 70 milliards de dinars pour recapitaliser la banque. Chose qui semblait être impossible pour les actionnaires, ouvrant la voie à la liquidation », a confirmé le témoin. A la question de savoir si Khalifa n'était pas parti à l'étranger la banque aurait été sauvée ? « C'est possible du fait que tout reposait sur les actionnaires de la banque », répond-il. Khalifa Abdelmoumen demande la parole pour interroger Djellab : « Comment avez-vous pu recueillir ces chiffres alors que vous n'aviez pas de commissaires aux comptes pour vous certifier le rapport final ? » « J'ai travaillé avec des commissaires aux comptes et même avec des experts de la Banque d'Algérie et du Trésor public », réplique le témoin. Mohamed Djellab a affirmé qu'il avait fait un voyage en Suisse pour récupérer 8 millions de dollars représentant le montant des actions achetées par Khalifa à la société Fiba Holding. « Ça n'a pas été facile pour rapatrier cet argent non comptabilisé. En ce qui concerne l'argent des stations de dessalement de l'eau, nous avons rencontré les Saoudiens qui nous ont dit qu'ils n'ont rien reçu », explique le témoin. « Cet argent, selon le rapport, a été détourné pour acheter la villa de Cannes », intervient le président du tribunal Menouar Antar. Questionné par la partie civile sur la situation de la banque, Djellab a confirmé que le déficit global de la banque était estimé entre 30 à 60 milliards DA. En ce qui concerne le rôle de l'Etat, garant des dépôts, il a précisé « l'Etat n'à rien à voir car tout repose sur les actionnaires pour la recapitalisation de la banque ». « Dans ce genre de situation, pour une banque publique ou privée, c'est aux actionnaires de réagir pour sauver la banque, sinon, la décision reviendra à la commission de la monnaie et du crédit », a-t-il conclu.