Le Parlement libyen, élu en 2014 et installé à Tobrouk, dans l'est du pays, le récuse. Le plan onusien qui prévoit la mise en place pour une période d'un an d'un gouvernement d'union nationale, dirigé par un Premier ministre assisté deux vice-premiers ministres, fait la part belle à son rival installé à Tripoli. Il réserve à ce dernier une place importante dans le Conseil supérieur de l'Etat, un organe consultatif de 120 membres. Et le malaise est là. Le Parlement reconnu par la communauté internationale a demandé, mardi dernier, aux délégués qui devaient se rendre à Berlin ou qui sont déjà sur place pour rencontrer les représentants du Conseil de sécurité et des pays européens et voisins, de rentrer pour « consultations ». « Si certains d'entre eux y vont, ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs déclarations n'engagent le Parlement en rien », prévient Farraj Hachem, le président de cette chambre. La raison ? Selon Issa Abdelgaïmoun, son porte-parole, les points de désaccord portent sur les « larges prérogatives » du Haut-Conseil d'Etat et la restructuration de l'armée. « Nous n'acceptons pas que le Haut-Conseil d'Etat partage les questions législatives avec le Conseil des représentants de Tripoli, d'autant plus que ledit Haut-Conseil d'Etat aura des décisions contraignantes ». Prérogatives que cette instance n'avait pas dans l'ancien texte, son rôle étant strictement consultatif. Selon le projet, 90 membres de ce Conseil d'Etat seront issus du Parlement siégeant à Tripoli et placé sous la domination de Fajr Libya, la coalition de milices qui contrôle la capitale. « Cette proposition ne reflète pas la légitimité du parlement élu », explique Tarek Al Djourouchi, un élu de Tobrouk. Le deuxième point de désaccord porte sur la proposition concernant la restructuration de l'armée. Tobrouk réclame le retour à la mouture précédente du projet d'accord stipulant « la mise à niveau de l'armée », en lieu et place de « structuration ». Sous la pression des « durs » partisans d'une solution militaire, les deux parlements vont-ils finir par céder ? Une chose est sûre, les chances de voir les Libyens aboutir à un accord avant le 17 juin, sous peine de voir leur pays sombrer plus encore au cours de l'été, sont minces. Berlin met en garde contre la désintégrationde la Libye Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères, a appelé, hier, les parties rivales à « préserver la Libye de la désintégration ». « Le monde attend des parties au conflit qu'elles prennent leurs responsabilités et acceptent un compromis », dit-il à l'occasion de négociations à Berlin entre les représentants libyens et les émissaires de dirigeants internationaux, sous l'égide de l'ONU. « Le cycle de discussions qui vient de débuter sous l'égide de Bernardino Leon est peut-être la dernière occasion avant longtemps de préserver la Libye de la désintégration », a expliqué Steinmeier. Sur le terrain et loin de ce projet onusien qui définit aussi les conditions d'un cessez-le-feu, du désarmement des milices, de l'unification des forces armées et du retrait des groupes armés occupant les infrastructures pétrolières, les aéroports et autres installations stratégiques, Daech avance et consolide ses positions. Après s'être emparé en mai de l'aéroport de Syrte, ainsi que d'une centrale thermique voisine, le groupe terroriste a pris le contrôle de la ville. Selon les observateurs de la scène, le groupe chercherait à s'emparer de champs pétroliers proches de Syrte. La Libye finira-t-elle par se transformer en QG de Daech ?