Sous le choc, la capitale du Tchad, N'djamena, été confrontée, pour la première fois, au défi du mouvement terroriste de l'autre Abubakar, vouant avec le calife autoproclamé de Baghdad une allégeance criminelle. Le bilan est tragique : les kamikazes de « l'apocalypse » ont provoqué la mort de 23 personnes et plus d'une centaine de blessées, selon un communiqué du gouvernement tchadien. Mais, le message de la terreur et de la barbarie est, d'abord, adressé au président tchadien totalement et pleinement engagé dans la traque du terrorisme international dans la région sahélo-saharienne. Il vise également les symboles de la lutte antiterroriste : un commissariat, situé à quelques dizaines de mètres seulement de la présidence et tout aussi proche de l'ambassade de France, et une école de formation de jeunes recrues. Le spectre de Boko Haram plane sur la capitale tchadienne sous haute surveillance, quadrillée par des soldats et des policiers déployés en force et procédant au renforcement des mesures de sécurité. Distante seulement d'une cinquantaine de kilomètres de la frontière nigériane, N'djamena a désormais le regard rivé sur Maiduguri, le fief de Boko Haram. « Boko Haram se trompe de cible, ces terroristes sans foi ni loi seront débusqués et mis hors d'état de nuire où qu'ils soient », a déclaré le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Hassan Sylla Bakari. Tout, dans le modus operandi comme dans l'installation à N'djamena de l'Etat major de l'opération Barkhane, prenant le relais de Serval, et du quartier général de la force régionale, rappelle le scénario des représailles menées contre le fer de lance de la lutte contre le terrorisme dans toutes ses formes. La guerre contre les « bandits » et les « criminels » incite au devoir de vigilance décrété par le gouvernement tchadien appelant la population « à garder son calme et sa sérénité légendaire » et assurant que « la situation est entièrement sous contrôle ». Dans le communiqué, il est affirmé aussi que « ces attaques, qui visent à créer une psychose au sein de la population, ne sauraient émousser la détermination et l'engagement du Tchad à combattre le terrorisme ». Face à la menace terroriste, l'heure est à l'union sacrée. Le président du Mouvement populaire pour le travail et la réconciliation (opposition), Brice Mbaimon, revendique « un plan de vigilance national avec les moyens qu'il faut, en impliquant la population qui doit surveiller le déplacement des personnes suspectes ». De son côté, le président d'une coalition de la société civile, Djida Oumar, qui ne veut pas « céder à la panique », a affiché son soutien aux actions du gouvernement. « Nous allons sensibiliser davantage la population (...) C'est un phénomène qui se passe partout dans le monde », dira-t-il. En l'absence du président Idriss Deby Itno, présent au moment du double attentat au sommet de l'Union africaine, la cellule de crise, mise en place par le Premier ministre Kalzeubé Pahimi Deubet, dicte une riposte au nouveau défi qui se pose à la stabilité et à la sécurité internes. Jusque-là circonscrites aux rives du lac Tchad, les attaques de Boko Haram ont, pour la première fois, débordé sur le sol tchadien pour tenter de saper les fondements de la stratégie de lutte de la force régionale (Nigeria, Niger, Tchad, Cameroun et Bénin) dont le Tchad est le plus grand pourvoyeur en troupes (5.000 des 8.700 hommes).