Au milieu de l'immense variété de gâteaux traditionnels qui font saliver les jeûneurs constantinois qui ne savent plus où donner de la tête (ou du palais) entre baklawa, qtaïf, t'cherek ou taminet el louz, le kalbellouz se présente en « force tranquille », car c'est la friandise la plus demandée. Oui, mais voilà : kalbellouz ou h'rissa ? Parce qu'ici à Constantine, il n'est pas de bon ton de se méprendre, de confondre entre les deux gâteaux, malgré leur aspect identique. La différence, soutient-on sur le Vieux Rocher, est de taille. Quoi qu'il en soit, en ce mois sacré et à l'approche de l'Aïd El Fitr, le kalbellouz algérois et la h'rissa « constantinoise » se disputent la vedette sur les deux rives du Rhumel, et ce duel à distance n'est évidemment pas pour déplaire aux gourmets. Si beaucoup de Constantinois se bousculent pour faire l'achat de quelques portions de h'rissa, cette confiserie tant prisée que l'on trouve chez les zlabjis » (marchands de friandises traditionnelles, ndlr) autoproclamés, les professionnels du métier affirment que la préparation de ce gâteau est avant tout « un art ». « Cela demande un vrai savoir-faire et certaines petites astuces sans lesquelles la h'rissa est une imitation pâle et sans goût », souligne d'emblée Hammoudi, un zlabji à El Batha, dans la vieille ville, un lieu réputé pour regrouper les meilleurs fabricants de cette confiserie. A base d'eau, de sucre et d'eau de fleur d'oranger, le sirop servira à arroser la pâte dès sa sortie du four. « Le sirop ne doit pas être aussi consistant que du miel ni trop léger », détaille Hammoudi avant de souligner que la cuisson de la pâte doit être « à point » et « d'une couleur caramel ». Hammoudi, qui a appris l'art de préparer la h'rissa auprès des spécialistes tunisiens (appelés communément cherguis) qui ont investi, pendant des années, le créneau lié à la fabrication de cette confiserie dans l'antique Cirta, souligne que, contrairement au kalbellouz algérois, la h'rissa constantinois « ne continent pas d'amandes ». Et voilà toute la différence. Rue Mohamed-Belouizdad, au centre de Constantine-Ville, l'enseigne « Kalbellouz algérois » attire la foule et les petits délices à la fine couche de poudre d'amande dorée à point, joliment présentés sur une nappe en papier, mettent l'eau à la bouche des jeûneurs. A la différence de la h'rissa constantinoise, le kalbellouz algérois est farci d'amandes en poudre. C'est à peu près la seule et unique différence entre deux pâtisseries traditionnelles d'origine algérienne, aussi succulentes l'une que l'autre. Cela justifie-t-il un duel aussi acharné ?