Sol Fa, voilà un spectacle unique auquel le public constantinois a eu droit lundi dernier au soir, au théâtre régional de Constantine. Un public chanceux, puisque l'association Ken Yamaken, très active ces dernières années et qui s'est spécialisée dans l'organisation de spectacles dédiés au conte, a offert sans doute l'une de ses meilleures prestations, à travers des contes en musique. Les conteuses Sihem Kennouche et la Marocaine Halima Hamdane sont accompagnées toutes les deux par un orchestre de prestige : les excellents violonistes Ferhat Bouallagui (Tunisie) et le natif de Constantine Samir Boukredera, mais surtout les chanteurs de musique andalouse, les jeunes Abbas Righi et Amina Karadja (Tlemcen). Un coup d'essai que le président de l'association Ken Yamaken, Fayçal Ahmed Raïs, nous explique : « Ce spectacle est une conception de la conteuse Sihem Kennouche sur une idée des membres de l'association. C'est un concept qui a toujours mijoté dans l'association, après avoir concrétisé l'expérience avec les chansons « El Boughi » et « Samra et Baïda ». Cette fois-ci, nous avons voulu élargir les espaces en faisant un peu de recherche par l'introduction d'artistes en présence de la meilleure conteuse algérienne Sihem Kennouche et la Marocaine Halima Hamdane, histoire d'élargir notre œuvre au Maghreb. C'est une tentative qui sera sans doute perfectionnée et produite dans d'autres productions animées par des orchestres plus élargis dans notre festival annuel qui se tiendra en octobre prochain. » Le spectacle trouve justement tout son sens dans cette magie des contes et aussi dans cette sonorité musicale magnifiquement interprétée par l'orchestre, et qui s'incruste pour compléter et parfaire ces histoires si bien contées par Sihem Kennouche et Halima Hamdane. Certains sont venus découvrir les contes, d'autres écouter la musique — en particulier Abbas Righi qui est très apprécié à Constantine — qu'importe, la qualité était au rendez-vous, et c'est ce que le public a retenu. Le premier conte « Kettou la diva » a été interprété par Sihem Kennouche, et raconte l'histoire de cette belle femme Kettou, chanteuse qui habitait le haut d'une montagne à Aïn Safra, avec son père et son frère jumeau Bilal. Toute petite, elle est blessée après que son village eut été bombardé par l'aviation française, et perd la vue. Elle est prise en charge par des sœurs dans un couvent qui l'envoie en France où elle rencontre quelques années plus tard son futur mari, Youri, un maestro russe. Devenue une véritable diva, respectée et reconnue dans le monde entier, il lui manque pourtant une seule chose : retrouver son pays. L'histoire s'achève cinquante ans après, lorsqu'elle revoit son frère, devenu musicien dans un orchestre. Le deuxième conte « Tatouages », raconté par Halima Hamdane, nous fait aussi découvrir l'histoire d'une femme, celle de Meriem dite « Chamsa », mariée depuis peu à Rabah. Nous sommes dans les années 1940, ce dernier est appelé pour aller combattre en Indochine, laissant Chamsa toute seule. Des années passèrent, Meriem devient moudjahida et rejoint le maquis. Là, elle fait la rencontre d'Ahmed, qui ne tardera pas à l'épouser. Après l'Indépendance, elle retrouve sa liberté et veut retrouver aussi ses proches, mais elle découvrira que son quartier fut rasé par les bombardements de l'armée française, seule sa mère a survécu et vit dans un asile en Tunisie. Meriem veut rejoindre sa mère mais le jour même, elle apprend que son mari Ahmed est gravement malade, sa vie est chamboulée encore plus lorsqu'elle retrouve son premier amour, Rabah...