Le martyr Youcef Zighoud, un redoutable stratège militaire, qui excellait dans l'art de la guérilla urbaine et des embuscades, avait réussi à lancer, le 20 août 1955, avec une poignée de moudjahidine, une offensive historique combinant actions militaires et soulèvement populaire dans le Nord-Constantinois, pour prouver au monde entier la détermination du peuple algérien à recouvrer son indépendance. Le colonel Zighoud, chef de la Wilaya II historique et un des principaux dirigeants de la guerre de Libération nationale, avait planifié et lancé l'offensive du Nord-Constantinois pour des visées militaires, politiques et diplomatiques. Mobiliser le peuple autour de son Armée de libération nationale (ALN) et démontrer sa ferme volonté d'obtenir son indépendance aux opinions publiques française et internationale, était l'autre objectif que ce jeune colonel, décrit comme un « loup maigre et sec », par Jacques Duchemin, auteur d'une partiale et partielle Histoire du FLN (Table Ronde, Paris 1962), voulait atteindre. Sa capacité d'imaginer et de concrétiser une opération d'une telle envergure prouve que le martyr Zighoud était un homme et un militaire exceptionnel. Né le 18 février 1921 dans le village Smendou qui porte aujourd'hui son nom (au nord-est de Constantine), Youcef Zighoud a adhéré dès l'âge de 17 ans au Parti du peuple algérien (PPA) dont il fut, en 1938, le premier responsable à Smendou. Elu du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1947, Zighoud avait rejoint la fameuse Organisation spéciale (OS) chargée de préparer les conditions nécessaires à la lutte armée, après que l'échec de la voie pacifique était devenu flagrant. Son arrestation, en 1950, lors de la découverte de l'OS par la police coloniale et son incarcération à la prison d'Annaba, avaient renforcé sa volonté d'aller jusqu'au bout dans sa lutte contre le colonialisme français qui tentait, à travers ses médias et sa propagande militaire, de réduire l'ALN et le FLN au rang de « groupes terroristes » et de « bandes de voleurs ». Zighoud avait réussi à s'évader de prison en avril 1954 et entrer dans la clandestinité pour s'engager dans l'action militante du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) dès sa création. Youcef Zighoud, qui en fut l'un des promoteurs, y fut nommé membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), a été élevé au grade de colonel de l'ALN et confirmé comme commandant de la Wilaya II après la mort de Didouche Mourad au champ d'honneur. Pionnier de l'action militaire, le martyr a été l'un des tout premiers à tirer les cartouches de la libération. C'est lui qui avait mené un attentat contre la caserne de la gendarmerie de Condé Smendou en novembre 1954. De l'aveu même de chefs de l'armée française, il avait inauguré la guérilla urbaine à Bône (Annaba) et à Philippeville (Skikda). Le défunt Mahfoud Bennoune, capitaine de la Wilaya II, disait de lui que c'était « un homme réfléchi, intelligent, sérieux, profondément engagé pour la cause nationale, bien organisé et, surtout, d'une extrême modestie ». Ce portrait paraît d'autant plus juste que la Wilaya II est la seule wilaya à avoir échappé aux implacables purges ayant endeuillé les maquis à partir de 1958, suite à la fameuse « Bleuite », l'opération d'intox, à grande échelle, initiée par les services d'action psychologique de l'armée coloniale. C'est au cours d'une tournée d'explication et d'organisation dans les unités de ALN placées sous son autorité que Zighoud tomba au champ d'honneur dans une embuscade tendue par l'ennemi à Sidi Mezghiche, le 25 septembre 1956, à l'âge de 35 ans.