Les responsables de la PC ont accepté de nous livrer leurs témoignages. Le chef du détachement de la PC, le lieutenant-colonel Hakim Amichi, et le responsable de l'accueil et de l'orientation, le lieutenant Nassim Bernaoui sont revenus sur la gestion de la saison du hadj 2015, marquée par deux incidents dramatiques mais aussi par des avancées sur le plan organisation. Le détachement était composé de 200 éléments, tous grades confondus. « Ces derniers ont été sélectionnés selon des critères exigés par le directeur général de la Protection civile (DGPC), le colonel Mustapha El Habiri. Les membres ne doivent pas dépasser 43 ans pour pouvoir être à la hauteur de leur mission », a expliqué le lieutenant-colonel Amichi. Ce dernier a rappelé que plusieurs réunions ont été tenues pour corriger les lacunes constatées dans la saison précédente. « On s'est réuni avec le chef de détachement du hadj 2014 en présence du colonel Mustapha El Habiri et le DG de l'ONHO, Yousef Azzouza afin de faire le point sur la base du rapport de notre détachement en 2014. Après deux regroupements à El Hamiz et à Djelfa, un guide a été distribué pour définir leurs différentes missions. On a procédé également à la mise en place d'un dispositif théorique », a-t-il dit. Les missions des pompiers La mission de la Protection civile aux Lieux Saints ne s'est pas limitée aux secours. Des visites de reconnaissance et de prévention ont été menées dans les sites pour mieux sécuriser les pèlerins. Selon le responsable de l'accueil et de l'orientation au centre de Médine, le lieutenant Nassim Bernaoui, les sapeurs-pompiers ont entamé leur mission par l'accompagnement. « 100 éléments ont été mobilisés pour l'accompagnement des hadjis à partir de l'aéroport. Deux agents ont été désignés dans chaque vol », a-t-il précisé. A l'arrivée, ce sont également les pompiers qui étaient chargés de l'accueil et de l'orientation vers les sites d'hébergement. « La première équipe est arrivée le 24 août. Aussitôt, un poste de commandement a été installé à Médine. Dix-huit éléments de la Protection civile ont été déployés au niveau de ce centre. Leur mission principale consiste à faciliter les formalités douanières aux pèlerins. Les pèlerins ont été pris en charge par les éléments de la protection civile dès leur arrivée. Nos pompiers ont assuré les 68 vols. On a même maintenu une permanence au niveau de l'aéroport pour le suivi des pèlerins libres », a assuré le lieutenant Bernaoui. « L'hébergement est la mission la plus difficile sur le terrain. Il fallait gérer les mentalités et les choix. La situation était quelque peu compliquée notamment avec les personnes âgées », a-t-il souligné. Les hommes du colonel El Habiri ont également supervisé l'acheminement des pèlerins vers La Mecque. « On a procédé au tri des passeports et l'affichage des listes des pèlerins. » Il soulignera « la coordination avec le PC central de La Mecque à travers l'établissement d'un procès-verbal d'acheminement et d'échange des informations entre les membres de la mission en temps réel », a-t-il expliqué. Des équipes spécialisées dans la recherche des égarés A propos des hadjis égarés, le lieutenant Bernaoui a signalé que leur nombre a augmenté par rapport à l'année précédente car les hôtels et les sites d'hébergement étaient éparpillés. « Mais la présence permanente des pompiers dans les différents lieux a permis de les récupérer rapidement. » L'officier a précisé que des équipes de la PC spécialisées dans la recherche des égarés ont été déployées au niveau des sites. « Elles faisaient le balayage avec le drapeau algérien, ce qui a permis de repérer et retrouver les hadjis perdus dont la majorité sont des émigrés. » Ces derniers ne portaient pas leurs badges ou leurs bracelets, ni même des documents qui peuvent les identifier mais grâce à la coordination entre le consulat, la mission et le détachement, « aucun pèlerin algérien n'a passé la nuit au centre des égarés ». Face à cette situation, les responsables de la PC ont adopté une mesure pour contrecarrer ce phénomène par l'accompagnement permanent même dans les tentes. « Des pompiers ont accompagné des pèlerins même dans les courses et les achats ainsi que lors des visites des sites touristiques. Cette mesure a suscité la satisfaction des hadjis âgés ». En chiffres, le détachement de la PC a recensé 1.073 égarés jusqu'au 17 octobre dont 400 à La Mecque et 673 à Médine, parmi eux 801 de la mission, 203 des agences de tourisme et 9 autres libres dont 655 hommes et 418 femmes. Les égarés sont dans la plupart âgés entre 70 et 90 ans sans accompagnateur La discipline, force de frappe de la protection civile Les deux responsables sont revenus sur les deux incidents dramatiques qui ont marqué la saison du hadj cette année. Le chef du détachement, le lieutenant-colonel Hakim Amichi raconte que les membres de la mission étaient en réunion avec le DG de l'ONHO, Youcef Azzouza. « Il a insisté lors de cette rencontre sur l'accompagnement des pèlerins même pendant la restauration et la nécessité de relever les failles et les insuffisances et informer les responsables en temps réel quand j'ai reçu un appel d'un agent de l'équipe des égarés qui était à la grande mosquée lors de l'effondrement de la grue. Aussitôt, 40 éléments ont été dépêchés sur les lieux. J'ai donné des instructions pour orienter les renforts vers le site. Sur place, on a pu sauver deux pèlerins algériens et 15 Asiatiques et on a même ramassé des corps déchiquetés. On était mobilisé sur tous les fronts et en contact permanent avec le colonel El Habiri qui suivait l'événement de près. Une cellule de crise a été mise en place au niveau de l'hôtel Zouar El Beit. Elle était composée des éléments de la Protection civile, des médecins de la biaâtha et des responsables du consulat et on a recensé 2 décès et 17 blessés. 35 éléments de la PC ont mené des opérations de recherches des disparus à El Haram et Mesfala. « La discipline est la force de frappe de la Protection civile, ce qui nous a permis d'organiser les secours », a souligné le lieutenant Bernaoui. Le bilan de l'effondrement de la grue a été présenté lors d'une réunion tenue avec le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, le consul de Djedda et les membres de la mission. « Le ministre était formel. Il a exigé un dispositif efficace pour la sécurisation de nos pèlerins lors des manasiks. Les hadjis ne devraient pas rester abandonnés dehors dans la rue, c'est un point noir qui peut nuire à l'image de notre pays. » Sur ce point, le lieutenant-colonel Amichi a précisé que ce dispositif a été bien étudié et préparé à Alger et a été supervisé et corrigé par le DGPC, le colonel Mustapha El Habiri, qui a transmis une copie au ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui. « On organisait tous les jours une réunion soit à Médine soit à La Mecque avec les chefs des groupes et les membres de la mission. On était suivi de près par le DGPC et sur le terrain par le DG de l'ONHO qui effectuait des visites inopinées aux sites pour s'enquérir des conditions de prise en charge des pèlerins. De même pour le détachement de la PC. On a mené des inspections pour l'évaluation de notre dispositif. On a effectué également des tournées la nuit pour s'assurer que tous les hadjis étaient dans leurs chambres ». La bousculade, un test pour les équipes d'intervention de la PC Evoquant la bousculade de Mina, le lieutenant Nassim Bernaoui éprouve une certaine douleur. « C'était terrible et je suis encore touché par les images ». Il a raconté que six bureaux de la PC ont été déployés pour assurer l'encadrement des pèlerins à Mina et Arafat. « Les accompagnateurs ont été mobilisés à l'intérieur des tentes d'une façon permanente. Aussitôt après l'incident, on a pris la décision de fermer tous les camps des Algériens pour interdire aux hadjis d'aller vers le lieu du drame et on a tout de suite informé le DGPC. La présence des éléments de la Protection civile à Mina a été très efficace. Je m'explique : les autorités saoudiennes ont concentré leur dispositif sur le lieu de lapidation de Satan, qui est exposé à des incidents alors que nos agents accompagnateurs étaient déployés partout, ce qui a permis une intervention rapide de nos agents », a précisé le lieutenant Bernaoui. Des pèlerins algériens et étrangers sauvés De son côté, le chef du détachement, le lieutenant-colonel Amichi, a tenu à souligner la bravoure des agents présents sur les lieux. « On a tout de suite installé un poste de commandement. Il fallait tout d'abord recenser nos éléments et fort heureusement ils étaient tous sains et saufs. On a sauvé six Algériens, cinq hommes et une femme, et des pèlerins de différentes nationalités. Les pompiers étaient sur tous les fronts malgré la chaleur, la fatigue et l'ampleur du drame mais ils ont accompli leur mission, et les rescapés peuvent en témoigner. Pour preuve, des pèlerins étrangers nous sollicitaient avec leurs mains « himaya Algeria » ou « himaya Djazaïr, aidez-nous » (Protection civile algérienne). Sur ce point, le lieutenant Bernaoui dira : « Ce qui m'a marqué et touché, c'est cette image des jeunes agents qui transportaient les blessés et les rescapés sur des chaises roulantes ou même sur leur dos », avant de nous confier cette histoire : « Je n'oublierai jamais l'image d'un pèlerin soudanais qui luttait contre la mort. Je lui ai prodigué des soins et je l'ai réanimé. A ses côtés, il y avait une vieille qui était déjà morte. Il a repris conscience après 15 minutes et il était très agité : la femme qui gisait à côté de lui est sa mère ». Et au lieutenant-colonel Amichi de témoigner : « J'ai demandé à un agent de rentrer pour se reposer mais il m'a demandé presque en suppliant de poursuivre sa mission de secours : ‘‘laissez-moi juste une heure'', m'a-t-il dit ». Des hadjis décédés identifiés La mission des sapeurs-pompiers ne s'est pas limitée aux secours. « On était membre dans la cellule de crise présidée par le ministre des Affaires religieuses. On s'est également déplacé aux hôpitaux pour visiter les blessés et à la morgue centrale. » Les soldats du feu ont pu aussi identifier des cadavres. « On a utilisé des portables retrouvés dans les affaires de deux corps. Il s'agissait de deux Algériens originaires de l'est du pays et on a lancé un travail de renseignement pour collecter des informations sur nos pèlerins. » Qu'en est-il de la saison du hadj cette année ? Pour Nassim Bernaoui, « il y avait un esprit d'équipe, une bonne coordination et une bonne entente entre les différents membres. On a mis à notre disposition tous les moyens notamment un véhicule de liaison pour les déplacements et des moyens de communication ». Le lieutenant Colonel Amichi nous a confié que « cette année, pour la première fois, des mégaphones ont été utilisés par les équipes de recherches des égarés à Mena et Arafat. Le responsable de l'accueil et de l'orientation a estimé que cette catastrophe a permis aux sapeurs-pompiers algériens de jauger leurs capacités. « On maîtrise plus les situations de crise, les deux incidents étaient des vrais tests et on a pu relever le défi. Mieux, on a fait honneur à notre pays. On a gagné le respect et on va continuer dans cette dynamique car on a prouvé qu'on est un acteur principal », a-t-il assuré. Pour Hakim Amichi, la décision du président de la République d'intégrer les agents de la Protection civile dans la Mission a donné ses fruits. « On a acquis une expérience. Aux Lieux Saints, la PC algérienne est devenue un repère aussi pour les pèlerins des autres pays. Les résultats satisfaisants sont le fruit du plan de modernisation initié par le DGPC depuis sa désignation à la tête de la protection Civile notamment la formation et l'investissement dans la ressource humaine et l'acquisition de moyens sophistiqués. Le message de félicitations du Premier ministre nous encourage à redoubler d'efforts pour mieux accomplir notre mission », a-t-il conclu.