Un changement qui se fait sentir dès le onzième tour de cadran lorsque, décalée plein axe par Sergi Roberto, la pointe uruguayenne fait trembler les filets d'un extérieur tout en puissance. Cette ouverture porte le sceau du Pistolero, auteur de son dixième pion de l'exercice en Liga, puis de son onzième, mais aussi du tiki-taka catalan, car elle intervient après pas moins d'une trentaine de passes. Surtout, elle permet aux Blaugrana de matérialiser leur franche domination des débats. Des débats qui se concluent sur un score sans appel de 0-4 et qui appellent une lourde remise en question du Real Madrid. Désormais distancés de six longueurs par des Catalans en gestion, les Merengues s'apprêtent à vivre des lendemains difficiles. Rafa Benítez, tancé par une grande partie de la presse, Florentino Pérez, dont la démission a squatté tous les chants du Bernabéu, et Gareth Bale, inutile autant qu'invisible, cristallisent les critiques de la nébuleuse madridista. Du côté de Luis Enrique, les voyants sont au vert fluo, en atteste la forme resplendissante d'Iniesta. Iniesta, plus puissant qu'une moto L'agitation autour du Santiago Bernabéu ne se limite pas aux milliers d'agents de sécurité et de policiers entourant l'enceinte merengue. Même si l'émotion rejaillit sur chaque faciès lorsque la minute de silence plonge l'ancien Chamartin dans un silence accompagné de la Marseillaise au piano, l'attente autour de ce Clásico retrouve ses droits sitôt le coup d'envoi. Quatorze secondes suffisent ainsi à Sergio Ramos, toujours en délicatesse avec son épaule et son jeu, pour se prendre le bec avec son cauchemar de l'après-midi, aka Luis Suárez. Suit alors une longue période de possession barcelonaise, fructueuse grâce à l'inévitable Uruguayen. Le Bernabéu, tout heureux de retrouver une équipe résolument offensive, se noie à l'unisson de ses poulains. Déboussolés par l'absence de la sentinelle Casemiro, les Merengues délaissent des espaces béants entre leurs centraux et leurs milieux. Une aubaine pour les manieurs catalans emmenés par un Iniesta de gala. Maître du tempo, le capitaine azulgrana, que les Clásico rendent « comme une moto, « enchaîne transversales millimétrées, petits ponts destructeurs et talonnades humiliantes. Ce, jusqu'à un service exquis pour Neymar dans l'espace, ponctué par un but du break des plus légitimes tant les opportunités barcelonaises sont légion. Quolibets merengues et ovation d'Andrés Mouchoirs blancs en main et « Florentino démission » aux lèvres, les aficionados madridista raccompagnent leur onze par des sifflets nourris. Leur retour sur le pré se fait lui dans une indifférence glaciale, en témoignent les deux tentatives de Marcelo et James à peine saluées par quelques applaudissements. Car l'antre blanche ne le sait que trop bien, la différence de niveau, abyssale, appelle de nouveaux pions blaugrana. Une hypothèse qui se transforme en certitude quand Neymar, digne héritier de Ronaldinho, rend la pareille à Iniesta d'un décalage en talonnade. La frappe du capitaine, limpide et en pleine lucarne, rend au tableau d'affichage des airs de correction méritée. L'antre madridista n'est pas près d'oublier L'entrée, avant l'heure de jeu, de Messi après plus de deux mois sans compétition fait ainsi parcourir un frisson dans toute l'échine du Bernabéu. Une peur qui, après une parade miracle de Bravo sur Ronaldo, prend la forme d'un quatrième pion humiliant, tant par la solitude du Pistolero que par la passe décisive de Jordi Alba, positionné en numéro neuf. Dans l'attente du coup de sifflet final, le Santiago Bernabéu, au bord de la dépression, offre une ovation classieuse à Don Andrés, puis à Isco, exclu. Florentino Pérez, lui, en subit les foudres.