Les deux chambres du Parlement burundais se sont réunies, hier, en congrès extraordinaire pour débattre de l'annonce par l'Union africaine (UA) du déploiement d'une mission de maintien de la paix au Burundi, englué dans une grave crise politique. La convocation de l'Assemblée nationale et du Sénat, deux chambres archi-dominées par le CNDD-FDD, est un événement rare. C'est une première depuis le début de la crise fin avril dernier. « L'objectif de cette réunion est de donner la parole au peuple », a expliqué un cadre du CNDD-FDD. « Le débat va être retransmis en direct à la radio et à la télévision publiques pour faire participer tout le monde, et à la fin, le peuple va s'exprimer sur ce déploiement », a-t-il ajouté. Avec la décision, annoncée vendredi dernier de l'UA de créer une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5.000 hommes et pour une durée de six mois renouvelables, la pression s'est accrue sur le gouvernement burundais. Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA avait donné quatre jours à Bujumbura pour accepter ce déploiement, faute de quoi, le bloc panafricain prendra des « mesures supplémentaires ». Bujumbura n'a même pas attendu la fin de cet ultimatum pour opposer un refus catégorique. « Si les troupes de l'UA venaient sans l'aval du gouvernement, il s'agirait alors d'une force d'invasion et d'occupation » et le gouvernement burundais se réserverait « le droit d'agir en conséquence », a prévenu, dimanche dernier, le porte-parole adjoint du président Pierre Nkurunziza. Le branle-bas de combat a été lancé dans les rangs du CNDD-FDD, le parti du Président, dont plusieurs membres ont utilisé les réseaux sociaux pour exprimer leur opposition à cette mission. La mise en échec d'un coup d'Etat en mai dernier, la répression brutale de six semaines de manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura à la mi-juin et la réélection de Nkurunziza lors d'un scrutin controversé à la mi-juillet n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées. La radicalisation du pouvoir ces dernières semaines fait peser le risque d'un génocide, selon la communauté internationale. « L'Afrique ne permettra pas un autre génocide sur son sol », a affirmé la semaine dernière le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, en référence au Rwanda ( 800.000 morts en 1994). L'ancien président burundais Pierre Buyoya a également mis en garde contre ce risque et dénoncé la volonté des dirigeants du pays d'« ethniciser » la crise. Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril de Nkurunziza à un troisième mandat, jugé par ses adversaires contraire à la Constitution.