L'UGTT, la Centrale syndicale tunisienne, retire ses trois ministres en apprenant le maintien aux postes clés (Défense, Intérieur, Affaires étrangères et Finances) des apparatchiks du RCD, le Rassemblement constitutionnel de Ben Ali, qui ont «participé à la répression et à un système de dictature» et annonce qu'elle ne reconnaît pas le nouveau gouvernement. «Cela ne nous intéresse pas de faire partie d'un gouvernement qui ne donne pas suffisamment d'assurances au peuple tunisien quand à la volonté de s'acheminer vers une transition démocratique réelle», explique Abdeljelil Bédoui le désormais ex-ministre auprès du Premier ministre, soupçonnant Mohamed Ghannouchi, d'avoir «offert» à l'UGTT et à l'opposition des «portefeuilles difficiles, comme l'Emploi, la Santé, l'Enseignement supérieur, pour «montrer leur incapacité à résoudre les problèmes du pays». Mustapha Ben Jaâfar, le chef du Forum démocratique pour les libertés et le travail, a également démissionné. Tout comme la nouvelle ministre de la Culture, Moufida Tlatli. Ettajdid menace de «revoir sa participation». Il refuse de siéger aux côtés des anciens membres du parti au pouvoir. Dans un communiqué, il exige la démission des huit ministres de Ben Ali, le gel des biens du RCD, «parce qu'ils appartiennent au peuple» et la dissolution et de «manière urgente» de «toutes les cellules professionnelles» du parti implantées dans les entreprises du pays. La rue qui a chassé Ben Ali du pouvoir, ne veut plus de «ses» ministres. «Ben Ali est en Arabie Saoudite, mais son gouvernement est toujours en place !», scandaient des milliers de manifestants à Tunis hier, déterminés à obtenir «un gouvernement qui réponde» à ses aspirations après un mois de manifestations. Moncef Marzouki, le dirigeant du Congrès pour la république, y voit une «fausse ouverture». «Je suis indigné, parce qu'on se moque de l'intelligence des Tunisiens et inquiet sur l'avenir de la Tunisie», dit-il, remettant en cause sa candidature à la prochaine présidence «momentanément». Les islamistes qui ont été invisibles depuis «Sidi Bouzid», ont fait hier leur apparition en tenant de prendre la tête des manifestations dans la capitale. Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahda qui ne sera pas de candidat à la présidentielle, déclare à qui veut l'entendre qu'«il n'y aura pas de transition sans son mouvement» qui a obtenu aux «élections de 1991 17% des voix». L'exilé à Londres a l'intention de demander la légalisation de son parti et de participer aux prochaines législatives. Ghannouchi qui ne prétend pas «être légitime» est d'un autre avis que l'opposition. «Tous les anciens ministres tunisiens reconduits dans le nouveau gouvernement d'union nationale ont les mains propres», dit-il, promettant des «élections libres et transparentes» d'ici six mois, une participation de «tous les partis» à condition qu'ils «répondent aux conditions requises par la loi électorale» et des poursuites contre «tous ceux qui ont été à l'origine du carnage» (78 morts, 94 blessés). Chassé par la rue, Ben Ali reviendra-t-il par un exécutif où domine sa «vieille garde» ? Les prochains jours seront décisifs pour la Tunisie où une nouvelle carte politique pourrait se dessiner.