Jeudi, 10h, à la gare routière de Tizi-Ouzou, une jeune fille descend du bus desservant la ligne Alger-Tizi-Ouzou. Depuis la capitale, le voyage n'a pas été trop fastidieux pour elle. Mais ce qui la chiffonne c'est le détour qu'elle doit faire pour arriver à sa destination finale : Ath Yenni. « Je suis étudiante à Alger. Je rentre pour passer le week-end chez moi. Je dois prendre le bus de transport urbain jusqu'à la Tour, ensuite je suis obligée de remonter dans un autre au carrefour 20-Avril pour rallier la station intermédiaire à la rocade sud de Beni-Douala et de là je prends un fourgon pour Ath Yenni. J'espère que j'aurai le temps d'arriver chez moi », souffle-t-elle. Désabusée et épuisée, la jeune fille prend son courage à deux mains et s'engouffre dans un bus plein à craquer. Toujours à la gare routière de Tizi-Ouzou, un homme, la cinquantaine, un cabas en bandoulière, attend dans un Abribus. « Je travaille au Sud et je suis en congé. Je préfère attendre le bus reliant Alger, Tizi-Ouzou et Aïn Al Hammam, car il m'évite plusieurs arrêts. Le voyage de Hassi Messaoud à Tizi-Ouzou par route est éreintant, je n'ai plus d'énergie pour continuer », dit-il. Et de conclure sur un ton sarcastique : « Nous faisons une centaine d'arrêts, changeons plusieurs bus, pour arriver chez nous. Les stations sont tellement éloignées les unes des autres que nous sommes obligés de prendre différentes dessertes. Mais il faut bien rentrer chez soi. » Au carrefour 20-Avril, sur le boulevard Krim Belkacem, les arrêts de bus « improvisés » sont noirs de monde. Les receveurs concourent à celui qui attire le plus de monde dans son bus. Ici personne ne veut s'attarder. « Cet endroit devient dangereux au-delà d'une certaine heure. Des petits voyous rôdent par ici et volent tout ce qui leur tombe sous la main, ils vont même jusqu'à agresser les voyageurs. Il n'y a aucun agent de sécurité. C'est un coupe-gorge », lance une quadragénaire accompagnée de sa fille, avant de s'engouffrer dans un bus. Transporteurs : entre satisfaction et mécontentement Station intermédiaire de Beni Douala, un grand espace ouvert aménagé en quais et aires de stationnement. Une cafétéria, un restaurant, deux kiosques et des toilettes publiques sont ouverts. Des fourgons desservant plusieurs communes (Beni Douala, Ouacifs, Ouadhias, Iboudrarène, Ath Yenni...) sont stationnés sur les quais qui leur sont destinés. Des autobus entrent dans la station, des voyageurs en descendent pour rejoindre des fourgons qui les emmènent chez eux. Hakim est transporteur de voyageurs des Ouacifs. « Nous avons rencontré des difficultés pour nous adapter au nouveau schéma de transport. C'était encore plus rude pour les clients. Les gens ne savaient plus à qui s'adresser pour trouver le transport qui les arrange », raconte-t-il. Dans le même contexte, Rachid, un autre chauffeur d'Ath Yenni, soutient que la direction des transports de Tizi-Ouzou n'a pas fait un travail de communication pour expliquer et orienter la population. « Il y avait quelques articles de presse, des affiches, des interventions de responsables sur des chaînes TV, mais cela n'a pas suffi à mener une campagne d'information efficace dans ce sens », soutient-il, et d'enchaîner : « Le bouche à oreille a fait le reste ». Plus optimiste, un jeune receveur signale que les choses se sont mises en place petit à petit et les usagers et les transporteurs ont fini par intégrer le nouveau dispositif. Et d'ajouter : « Avec la réalisation de ce plan et après sa mise en place, des postes de travail ont été créés. Des jeunes ont été embauchés par les opérateurs publics et privés comme receveurs, chauffeurs mais aussi dans la gestion de ces espaces. Des concessions ont été attribuées aux jeunes demandeurs d'emploi pour bénéficier des locaux commerciaux ouverts à travers ces stations ». Reste que selon un receveur à l'entreprise publique (Etuto) beaucoup de jeunes chômeurs occupent des petits postes dans ce domaine. « Ce n'est pas vraiment ce qu'ils désirent, mais cela leur permet d'avoir une occupation et un salaire. Ils sont chauffeurs, receveurs, gardiens de parc pour la plupart, ils travaillent au noir et ils n'ont pas de couverture sociale », détaille-t-il, suggérant de réguler ce secteur. » La ville de Tizi-Ouzou a gagné en termes d'infrastructures, d'aménagements urbains, d'emploi et de nombre de moyens de transport à travers la mise en œuvre de ce plan de circulation. Cependant, vu les lacunes et difficultés relevées, les autorités locales, en concertation avec les intervenants dans ce secteur et la population, devraient revoir leur copie et apporter des améliorations pour réaliser l'objectif principal de ce dispositif, celui de faciliter le quotidien des citoyens.