Nos routes ressemblent à des circuits de course où tous les dépassements sont permis. Mercredi dernier, un trolleybus de transport urbain d'un opérateur privé, bondé de voyageurs, quitte la station de Boukhalfa pour celle du même service desservant la localité de Beni Douala, via la ville de Tizi Ouzou. Arrivé face à l'embouchure de la première trémie du carrefour «Lounès Matoub» (entrée ouest de la capitale du Djurdjura), un jeune policier se met prestement devant le bus, interpellant, fort coléreux, le conducteur : «Où regardais-tu ? Dans les airs, avec autant de voyageurs ? Tu ne m'as pas vu devant ton bus ?» Ebahissement ! La colère du policier est suscitée par l'avancée du bus d'un petit mètre en plus avant de s'arrêter, gênant, à l'arrière, le franchissement de la voie à double sens par le fourgon d'autres policiers qui attendaient à ce que leur camarade leur fraie le passage vers la rue Stiti. Et le conducteur du bus, un quadragénaire, de répondre stoïquement : «Et toi, tu n'as pas entendu la sirène de l'ambulance, juste derrière moi, ni vu son gyrophare ? Voulais-tu que je l'empêche même de prendre la voie située à ma droite et passer au dessus de la trémie ? Voulais-tu que je porte cette responsabilité ?» Et au policier de répliquer, toujours en colère : «Dégage !» Une voix dans le bus enchaînait : «Système !», une façon de recomposer le fameux slogan «Système, dégage !» De quoi rire sans fin. Quelques jours encore avant cette histoire rocambolesque, sur le même tronçon de la RN-12, un autre trolleybus, de l'Etuto (public) celui-là, sortait de la nouvelle station de Boukhalfa et se dirigeait vers le centre-ville. En dépassant une voiture, à l'arrêt juste sous le pont enjambant la route vers le village de Boukhalfa, une Clio blanche toute neuve, à son volant un jeune homme, arrivait sur le même sens à une vitesse vertigineuse. Le jeune chauffeur (chauffard ?) voulait certainement que tout le monde lui dégage la voie devant la puissance de son véhicule. Ses coups de phares et de klaxon répétés n'ont pas «affecté» outre mesure le conducteur du bus, tant l'espace permettait largement de doubler. Le jeune homme, prend tout de même le soin de ralentir en arrivant à niveau avec le trolley pour lancer à son conducteur mille et un noms de oiseau, avant de repartir en trombe. Décidément, lorsqu'il s'agit d'insultes, on n'hésite pas à carrément s'arrêter. Quelque 200 mètres plus loin, un barrage permanent de la police. L'homme à la Clio prend le soin de raconter tout un charivari aux policiers du barrage en montrant le conducteur du «bus bleu, qui constitue un grand danger sur la route, et qui n'a aucune considération pour la vie des automobilistes…». Sur ce, il file, tel un éclair. Sitôt le «bus bleu» arrive au barrage, un des policiers lui fait signe de serrer à droite. «Papiers, permis (watha'iq)… Vous avez fait un dépassement dangereux, juste sous le pont là bas !» «Pas du tout !», répondit le chauffeur en tendant ses documents au policier. Le bus était plein de voyageurs. «Vous avez cru cet espiègle à la Clio, ce vrai danger de la route ?», ajouta le conducteur du bus, un peu navré. Sur ce, le policier laisse le conducteur de l'autobus repartir. «Incroyables mensonges» dont sont capables des gens qui mettent vraiment en péril la vie d'autrui, non pas pour épargner la leur, mais pour seulement le «plaisir» d'avoir toute la chaussée à eux seuls et rouler à leur guise. «Mon Dieu, ce que l'argent, les concessionnaires automobiles et l'impunité, n'engendrent pas de «Dieux» sur les routes…», éructe un voyageur quinquagénaire, dépité.