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Un modèle achevé de musique amazigh
Mouloud Mammeri a exhumé l'Ahellil du Gourara
Publié dans Horizons le 28 - 02 - 2016

Comme le dira notre confrère Sadek Aït-Hammouda, « c'est la dimension anthropologique de Mammeri qui est mise en exergue cette fois-ci. » Outre son œuvre littéraire, l'homme s'était intéressé de près à cette région du sud-ouest du pays. Ce sont ses recherches qui ont permis à l'Ahellil du Gourara d'être classé par l'Unesco patrimoine culturel immatériel de l'humanité. La direction de la culture de Tizi Ouzou a tenu à mettre en valeur la portée de l'œuvre de Mammeri, en exhumant une de ses facettes méconnues, celle liée à l'Ahellil. « Cet héritage ancestral amazigh a traduit, pendant des siècles, la joie, les aspirations et les désirs des hommes et des femmes de la région du Touat qui, de génération en génération, ont exprimé, sous une forme poétique très ramassée et souvent allégorique, l'essentiel de leurs méditations mystiques, de leur philosophie de la vie et de leur vision du monde. Sa valeur est en relation directe avec la volonté et la détermination des populations ksouriennes, à perpétuer la vie dans un environnement difficile, le Sahara », lit-on dans le document dans le préambule. Cette journée fut rehaussée par la présence du ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali. « Prendre part à une journée qui consacre une telle œuvre et un tel homme comme Mammeri est pour moi primordial », nous dira-t-il. La directrice de la culture, Nabila Goumeziane, a souligné, à l'ouverture des travaux, que « l'objectif de cette manifestation est la mise en exergue de ce legs ancestral, classé par l'Unesco, pour lequel Mouloud Mammeri avait un grand intérêt en raison de sa valeur patrimoniale et de son apport incontournable à la culture algérienne. Pour Mammeri, la culture n'avait pas de limites géographiques. Il n'a pas hésité à sillonner tous les recoins du pays, voire au-delà, pour enrichir notre culture, notre langue et notre histoire. » Selon Nordine Khirani, chercheur au Crasc d'Oran, « Mammeri n'a pas cessé de souligner l'importance de cette cérémonie léguée à travers la succession des générations, contrairement à certaines autres connues mais qui finirent par disparaître, ou avaient changé au fil du temps en fonction de l'impact des conditions socio-culturelles et politiques. » Il soulignera aussi que Mammeri ne s'était pas limité aux aspects lyrique et poétique de la cérémonie.
« Il est allé en profondeur à travers une étude socio-anthropologique sur une cérémonie festive mais aussi religieuse. » Evoquant l'Ahellil, il dira que « c'est une sorte de période curative et d'assouplissement de la fatigue après l'activité quotidienne (travaux agricoles dans les champs ou construction). » Pour le chercheur, « les populations du Gourara chantaient aussi et dansaient pour exprimer leurs louanges à Dieu et aux saints. » Yacine Si Ahmed, modérateur de cette journée, a rappelé que c'est en explorant la région du Gourara, située au nord du Touat, dans le Sahara algérien, que Mouloud Mammeri découvre la richesse culturelle inestimable de l'Ahellil et décide d'agir pour sa préservation. « Il constitue une équipe de recherche pluridisciplinaire, afin de rassembler et de recueillir la poésie et les chants polyphoniques traditionnels, et transcrire les poèmes et les expressions populaires locales », a-t-il rappelé.
Etudes pointues et exhaustives
Hamid Bilek, chercheur et archéologue, a indiqué que Mouloud Mammeri, à travers toutes ses œuvres, est « le spécialiste par excellence de la culture kabyle en particulier et ses différentes immersions à l'intérieur d'autres groupes amazighophones des différentes régions d'Algérie et du Maroc. Cela fait de lui le spécialiste émérite du monde amazigh. » « Son immersion dans le Gourara ne fait que confirmer cela. Il ne manquera pas aussi de dire que « les œuvres majeures de Mammeri, comme les Isfra de Si Mohand, Poèmes kabyles anciens, l'Ahellil de Gourara et Inna-yas Ccix Mohand, ont été des études pointues et exhaustives de la société kabyle en particulier, et amazigh en général. » Pour revenir à la thématique du jour, Bilek a fait remarquer « que dans l'Ahellil du Gourara, en plus des textes Zénètes, Mammeri a présenté une étude socio-anthropologique et historique de la région » et avait écrit que « Le Gourara présente cette caractéristique d'être demeuré une zone témoin d'un passé qui n'a pu être effacé par les mutations rapides des deux derniers siècles. » « En entrant dans le circuit des échanges modernes à l'échelon national, il risque de voir disparaître rapidement ce patrimoine qu'il convient de recueillir avant qu'il ne soit trop tard », a-t-il alerté. Au cours de cette journée, d'autres intervenants sont revenus sur cette œuvre. Le public a été quelque peu déçu par l'absence de Moulay Sedik Slimane, qui a été le guide de Mouloud Mammeri au cours de son séjour dans le Gourara. Beaucoup auraient aimé écouter ce sage pour en savoir un peu plus sur la personnalité de Mammeri.


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