Le musée de Villeneuve-d'Ascq (nord de la France) tente, dans une rétrospective, de dévoiler l'inspiration du peintre italien, mort à Paris en 1920 à l'âge de 36 ans. Une centaine d'œuvres d'Amedeo Modigliani sont exposées jusqu'au 5 juin dans ce musée proche de Lille. « On essaie de comprendre comment il a construit son style », explique une des trois commissaires de l'exposition. « Quand on regarde dans le détail, ses œuvres sont plus diversifiées et complexes qu'on ne le croit », souligne-t-elle. « Il a la réputation d'être un artiste simple et immédiat, mais en fait il a mis plusieurs années à construire son propre style, surtout il a regardé énormément de choses, dans l'art de ses contemporains. En parcourant l'exposition, le visiteur comprend peu à peu comment Modigliani arrive à dessiner ces visages reconnaissables entre tous. Peu après son arrivée à Paris à 22 ans, le Toscan, issu d'une famille de juifs séfarades de Livourne lettrés mais désargentés, qui avait déjà peaufiné sa culture artistique dans les musées de Rome et Venise, se rend fréquemment au Louvre et au palais du Trocadéro,. Dans la capitale française, il passe des heures à contempler l'art africain, grec, égyptien ou khmer. « Il a voulu créer une forme de beauté idéale, de femme idéale, en prenant des éléments de toutes ces cultures. C'est une idée assez belle que de vouloir créer une beauté idéale à partir d'éléments de cultures variées », indique une autre commissaire. De l'art africain, il prend l'idée d'une forme du visage allongée et concave, c'est-à-dire creusée, avec un relief qui va vers l'arrière au lieu de l'avant. Des temples khmers et de l'art bouddhique, il retient la thématique des yeux fermés et sans pupille. Il s'inspire de l'art cycladique et des statuettes de la Grèce archaïque, pour la simplicité et l'épuration. Là où un Pablo Picasso déconstruit la forme à la même époque, l'artiste italien effectue « une synthèse qui va vers la fluidité et l'harmonie », explique-t-elle. On retrouve cet esprit dans les portraits de Chaïm Soutine, de Moïse Kisling, et même dans cet étonnant autoportrait, où il se peint en Pierrot, comme un clin d'œil à la Commedia dell'arte de son pays natal.