Il s'agit de « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête » d'Ahmed Bensaâda, paru aux éditions Frantz Fanon à Tizi Ouzou. Le débat qui a suivi a été animé par Sid Ali Sekhri, ancien responsable de la librairie Millefeuille. « Le livre m'a plu. J'ai aimé la méthode de travail. On retrouve, la thèse, l'antithèse et la synthèse. L'auteur décortique le livre, chapitre par chapitre. Il y a certes des interrogations posées par Kamel Daoud auxquelles Ahmed Bensaâda ne répond pas. C'est une contre-enquête pas seulement pour l'affaire du viol en Cologne mais aussi pour la position de certains intellectuels algériens, qui pour lui, sont récupérés en Europe par les médias et le pouvoir », a-t-il affirmé. « Une vision complètement fausse » Ahmed Bensaâda a tout de suite tenu à clarifier le débat. Il n'est pas contre la personne de Kamel Daoud mais s'oppose à lui pour le fait qu'il parle mal de sa communauté. « Je m'élève contre ses écrits réducteurs, stéréotypés et éculés », dit-il, réfutant sa vision dichotomique d'un univers dans le progrès et d'un autre dans la décadence. « Cette vision est complètement fausse », clame-t-il. Pour lui, « un écrivain qui n'aime pas son pays qu'il ne défend pas auprès d'autres opinions, n'est pas un écrivain authentique ». Il a des mots sévères à l'encontre de Kamel Daoud qu'il qualifie « d'esprit néocolonisé qui se range d'une manière délibérée du côté du colonisateur, en adoptant sa civilisation ». Ahmed Bensaâda déplore que Kamel Daoud obscurcit l'image de l'Arabo-Musulman en lui collant toutes les tares morales et physiques. « Il est inacceptable de croire que la lumière vient de l'Occident et les ténèbres surgissent uniquement dans les pays arabo-musulmans », souligne-t-il. « Les maux sociaux, la violence contre les femmes ont aussi leur source chez eux », fait-il remarquer. Ahmed Bensaâda considère que la solution est dans l'éducation. « Quand un chrétien commet un viol, on ne dit pas qu'il est chrétien, alors quand un Arabo-Musulman perpètre un crime, on met en avant sa race et sa religion. Ce n'est pas l'individu qui est concerné. Toute une communauté est visée. En tant qu'intellectuels, nous devons faire attention et écrire pour notre peuple, afin de le tirer vers le haut », plaide l'auteur. « Une littérature algérienne, qui ne dépend pas de l'étranger, une culture qui a ses caractéristiques et que n'imposera pas le regard extérieur ». Dans le débat qui a suivi, beaucoup ont salué l'initiative d'Ahmed Bensaâda, physicien installé au Canada. Ce dernier envisage de publier un roman « Les amoureux de la place Tahrir » inspiré par la chute de Moubarek. Il compte aussi publier avec un spécialiste de la littérature, Patrick M'beko, un ouvrage sur le rôle des ONG en Afrique. Le responsable des éditions Frantz Fanon, Amar Inagrachene est intervenu. « En créant la maison d'édition, notre but était d'allier action et réflexion. En Algérie, ces deux concepts sont séparés et notre devoir, par nos publications, est d'œuvrer à les rapprocher », dira-t-il.