Il suffit de se rappeler de quelques titres. De « Chronique des années de braise » à « Madame Courage » en passant par « la Colline oubliée » ou « le Clandestin ». Peu de films algériens se sont inspirés des faits divers qui secouent la société. La mention « ce film est inspiré d'une histoire vraie » qui défile en bas de maints génériques est inexistante chez nous. Des affaires liées à l'adultère, à l'assassinat d'enfants, de conjoint(e)s ou de vastes escroqueries, à l'image de « Khalifa », sont pourtant des scénarios tout faits. Ailleurs, des drames qui tiennent en haleine l'opinion publique ont été transposés à l'écran. Des best-sellers qui en ont reconstitué la trame furent adaptés à l'écran comme « De sang-froid » de l'écrivain américain Truman Capote. Un roman où il décrit le carnage d'une famille et la cavale des deux meurtriers. « Le Pull-over rouge », « L'Adversaire », avant d'être des succès au box-office, étaient de sanglantes affaires qui ont défrayé la chronique en France. La réalité dépassant souvent la fiction, la matière est dans la rue. Fellag a un jour avoué que la lecture du courrier du cœur servait à « épicer » ses sketchs. Le grand drame Pendant longtemps, nos films se sont contentés de refléter la colonisation et ses effets. Il est vrai qu'en elle-même, générant déportations, expropriations et tortures, elle était un concentré de drames à grande échelle. Les faits divers n'ont jamais été sa source d'inspiration et la presse, avant la naissance de Horizons en 1985, n'en tenait pas la chronique, sinon pour mettre en avant la lutte implacable contre la criminalité. Un ensemble de quatre courts-métrages portant le titre de « faits divers », tournés au milieu des années 80 étaient la mise en image d'événements liés à la période coloniale. Dans l'un d'eux Dahmane Ouzid narre le viol d'une jeune fille par des soldats français. Des cinéastes comme Meddour et Allouache se sont éloignés du cinéma conventionnel sans puiser dans les histoires qui agitaient la société en pleine mutation. Seule Hafsa Zinai s'est emparée d'une sordide « affaire » d'exorcisme dans les années 90. Amour, romance, magie et trahison sont l'apanage des fictions diffusées sous forme de feuilletons télévisés. Humour et dérision Deux raisons semblent expliquer cette tiédeur. Durant une trentaine d'années, le cinéma algérien, financé et distribué par l'Etat, prolongeait d'une certaine manière le discours officiel même dans des productions comme « Le Vent du Sud » ou « Leïla et les autres » qui traitaient de l'émancipation de la femme. Le cinéma populaire cher à Zemmouri, Moussa Haddad, convoquera davantage l'humour et la dérision. Longtemps, le rêve d'émancipation collectif prit le pas sur les problèmes et les tourments des individus, balayés presque d'un revers de la main. On saluait davantage les films racontant une épopée, les aventures de héros. La relation des Algériens à l'image aggrave la situation. Peu d'entre nous consentiraient à accepter qu'un drame familial se prolonge sur écran. Comme si paradoxalement, on préfère une vérité tue et cachée à une image qui dévoile et révèle.