Le géant pétrolier, qui dispose des plus grandes réserves de l'Afrique (48 milliards de barils), a subi de plein fouet les effets d'une intervention militaire de l'Otan qui a semé le chaos et la désolation et impacté la production en chute drastique passant de 1,5 million de barils par jour (b/j) en 2010 à 300.000 b/j en 2016. Outre le processus de démantèlement de la Libye de Kadhafi, la principale source de développement a fondu. Elle représente aujourd'hui le 1/10e des revenus estimés, en 2016, entre 45 et 50 milliards de dollars. Plus gravement, la manne pétrolière est durement affectée par le règne des milices, maîtresses des lieux et instaurant un véritable « blocus », et les attaques de Daech rêvant de faire main basse sur le « croissant pétrolier » allant des principaux terminaux de Ras Lanouf et Al Sedra (650 kilomètres à l'est de Tripoli), Marsa El Brega, Bin Jawad et Zueitina. La bataille du pétrole s'avère donc décisive dans la stratégie de redressement et de consolidation du gouvernement d'union nationale (GNA) dirigée par Fayez al Sarraj, légitimée par le consensus national et international incontestable. Porté par un soutien sans équivoque des principales milices de l'Ouest, des personnalités politiques représentées dans le cabinet de 32 ministres issues des différentes parties et régions, l'avènement du gouvernement de Sarradj a été perçu comme la chance unique de sortie de crise. Une lueur d'espoir est apparue avec notamment l'appui manifeste de la Banque centrale et de la compagnie nationale pétrolière (NOC) annonçant, le 1er août dernier, la reprise régulière des exportations de brut. Une reprise davantage confortée par l'accord conclu, en juillet dernier, avec les Gardes du GIP pour rouvrir deux importants terminaux à Ras Lanouf et al-Sedra, en contrepartie d'un financement des écoles et des hôpitaux et du paiement des salaires des employés. Mais le retour à la stabilité est confronté à trois défis majeurs. Dans le combat sans concession engagé contre Daech, délogé de Syrte, l'épreuve sécuritaire « en phase finale » est contrariée par la persistance des divergences des autorités de Tobrouk menaçant même, par la voix du général Khalifa Haftar, de « frapper » les tankers en route vers les ports libyens pour faire des transactions avec le GNA et effectuant également des mouvements vers le terminal pétrolier et gazier de Zueitina. Face à cette menace de confrontation et de destruction d'un secteur vital pour l'avenir de la Libye, clairement dénoncée par la NOC, les puissances occidentales, particulièrement les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, ont exigé le contrôle « sans réserve ni délai » de toutes les installations pétrolières par le gouvernement reconnu de Sarraj. A l'ombre de la bataille du pétrole, le syndrome de l'intervention étrangère refait surface. Bien que reconnue par le président Obama comme étant « la pire erreur », le chaos libyen provoqué par l'Otan se justifie désormais par les impératifs de « sécurité de l'Amérique » brandis pour lancer les nouvelles frappes aériennes. La présence des troupes françaises, révélée par la mort de trois sous-officiers et dénoncée par le GNA, traduit les nouveaux enjeux stratégiques et commerciaux de la nouvelle Libye stable.