Rien que cet été, les services de l'ADE (Algérienne des eaux) en charge de la distribution de l'eau, ont eu à enregistrer plus d'une douzaine de leurs agences fermées par des citoyens qui réclament leur part de ce précieux liquide, tant leurs robinets étaient plus le souvent à sec. Il y a eu même des conflits tribaux pour une histoire de captage de sources dans la commune de Illilten, conflit qui a failli virer au drame. En fait, ce problème est certes plus récurrent et surtout plus accentué durant la saison estivale, mais même en hiver, nombreuses sont les localités qui soulèvent le problème de l'AEP. Et dire que la wilaya de Tizi Ouzou, qui présente un relief montagneux fortement accidenté - sur une superficie de 2.994 km2 avec une population d'environ 1.200.000 habitants, soit une densité de 400 habitans/km2 - dispose d'un réseau hydrographique constitué de deux grands bassins versants, à savoir le bassin de l'oued Sebaou et le bassin côtier. Deux bassins qui mobilisent 60 hm3 (millions de m3)/an en ressources souterraines et plus de 191 millions m3 en ressources superficielles (barrages et retenues collinaires), dont le plus gros est mobilisé par le barrage Taksebt, avec un volume régularisé de 181 hm3, dont la mise en eau remonte à 2001, alors que les 83 retenues collinaires mobilisent, quant à elles, 4,5 hm3, destinés le plus souvent à l'irrigation. Pour ce qui est des autres barrages, leur mobilisation est relativement faible, lorsque l'on sait que les quatre barrages réunis, à savoir Djebla (3,00 hm3), Draâ El Mizan (1,50 hm3), Aïn Zaouia (1,40 hm3) et Tizi Ghenif (0,53 hm3) ne mobilisent que 6,5 hm3. A cela, il y a lieu d'ajouter les 121 plus importantes sources dont le débit global est de l'ordre de 16 hm3. Parmi les sources les plus importantes, nous pouvons citer celles de Aincer Amokrane (Iferhounene), Thebouth (Aït Bouaddou), Boudjaafer (Illoula Oumallou), Tinzert (Boghni), Derdar (Aït Zikki), Oualsous, Amane Melloulène, Zerroud (Aït Ouabane), El Hemmam (Aït Boumehdi), Asfis Aiterguène (Agouni Gueghrane), Thabourth Lanser (Assi Youcef), Aidloul (Timeghras), Aït Aissi (Yakourène), Aït Naim (Azeffoun) et Tala Ouguellid (Mechtras) qui se trouvent, essentiellement et en majeure partie, sur le flanc nord du Djurdjura. Elles sont destinées à l'AEP des villages du côté sud de la wilaya. Exploitation et alimentation Quant aux barrages en exploitation, à savoir celui de Taksebt, il est destiné à l'alimentation en eau des wilayas de Tizi Ouzou, Boumerdès et Alger. Le volume alloué à la willaya de Tizi Ouzou est de 65 hm3/an. Ceux-là sont destinés à alimenter 38 centres urbains et 750 villages, représentant 920.000 habitants répartis sur l'axe Azazga-Tizi Ouzou-Draâ Ben Khedda-Tadmaït et commune du flanc nord de la wilaya. Ainsi, sur l'axe Tizi-Ouzou-Azazga via Fréha, le volume affecté est de 21 hm3/an (802 l/s). Il renforce en eau potable 13 chefs-lieux de commune (Tizi Ouzou, Irdjen, Ouaguenoune, Tizi Rached, Larbaâ Nath Irathen, Aït Oumalou, Mekla, Souama, Aït Khellili, Timizart, Fréha, Azazga et Yakourène), et 240 villages, pour une population totale de 330.000 habitants, qui était alimentée avant ce transfert, pour certains, en 1j/3 jusqu'à 1j/7 avec une dotation n'excédant pas 60 l/j /habt. Mais depuis, la population de cet axe reçoit l'eau avec un taux horaire moyen de distribution de 16 h/j, avec une dotation de 120l/j/habt. S'agissant de celui de Tizi Ouzou-Draâ Ben Khedda-Tadmaït, il est de 36 hm 3/an, renforçant en eau potable 11 chefs-lieux de commune (Tizi Ouzou, Béni Douala, Béni Zmenzer, Tizi Ntleta, Ouadhias, Maatkas, Draâ Ben Khedda, Tirmitine, Makouda, Sidi Naâmane et Tadmaït) et 212 villages pour une population totale de 500.000 habitants. Comme à partir de ce même barrage de Taksebt, les services des ressources en eau de la wilaya ont procédé à l'adduction en AEP des localités du flanc nord de la wilaya, avec un volume affecté de l'ordre de 21.000 m3/j renforçant en eau potable une population estimée à plus de 8.000 habitants, répartis en huit chefs-lieux de commune (Boudjima, Iflissen, Tigzirt, Aghribs, Akkerou, Azeffoun, Ait Chaffaa et Zekri) et 214 villages. Outre ces transferts et adduction à partir du barrage Taksebt, les mêmes services de l'hydraulique assurent aussi, pour les localités du sud de la wilaya, une alimentation en eau potable à partir du barrage de Koudiet Acerdoune, dans la wilaya de Bouira. Malgré les difficultés Ainsi, le volume affecté sur l'axe du barrage vers le couloir de Draâ El Mizan, Boghni et Ouadhias est de 21 hm3, destinés au renforcement en eau potable de 14 chefs-lieux de commune (Mkira, Tizi Ghenif, Draâ El Mizan, Frikat, Aïn Zaouia, Bounouh, Boghni, Assi Youcef, Mechtras, Souk El T'nine, Tizi N'tleta, Aït Bouaddou, Ouadhias, Agouni Gueghrane) et de 190 villages pour une population de l'ordre de 226.000 habitants. Toutes ces capacités et cette mobilisation devraient connaître un appoint avec la réalisation du barrage de Souk N'tleta, en cours de réalisation mais qui connaît beaucoup de difficultés, en raison des problèmes liés aux oppositions de citoyens de la région. Situé sur l'oued Bouguedoura, à 8 km au sud de la ville de Draâ Ben Khedda, ce barrage, une fois achevé, emmagasinera un volume d'eau de 98 hm3/an destiné à renforcer en AEP de nombreux villages relevant des communes de Tirmitine, Sidi Naâmane, Draâ Ben Khedda, Tadmaït, Maâtkas, Aït Yahia Moussa, Mkira et la ville nouvelle d'Oued Fali à Tizi Ouzou, soit 188 villages pour une population actuelle de 240.000 habitants. Comme il est aussi prévu d'autres barrages qui sont en phase d'étude, notamment celui de Bounachi, dans la commune de Mekla, avec une capacité de 30,50 hm3 et de Zaouia, dans la commune de Makouda, avec une capacité de 43,60 hm3. Il est aussi inscrit à l'actif de la wilaya de Tizi Ouzou, un autre barrage actuellement en cours de levée de réserves et en instance de réalisation. Il s'agit du barrage de Sidi Khelifa, situé sur l'Oued Sidi Khelifa, dans la commune d'Azeffoun, pour une capacité de 21,40 hm3. Ce barrage une fois achevé permettra à la wilaya de Tizi Ouzou d'en finir définitivement avec le problème de l'AEP lorsque l'on sait que les localités qu'il desservira sont les plus touchées par la rareté du précieux liquide dans les robinets. D'ailleurs, comme souligné plus haut, les agences ADE touchées par la fermeture se trouvent justement dans ces localités, à savoir Azeffoun, Ait Chaffaâ, Zekri, Aghribs, Akkerou, Yakouren, Ifigha, Bouzeguene, Idjeur, Illoula Oumallou, Béni Zekki, Imsouhal, Iferhounene, Iflissen, Illiltène, Mekla, Souamaâ et Aït Khellili, soit 286 villages pour une population actuelle de 162.907 habitants. Tout un programme d'affectations dans un relief accidenté Par ailleurs et malgré le relief très accidenté qui rend la tâche très difficile, pour l'exploitation des systèmes d'alimentation en eau des 1.513 villages éparpillés sur les crêtes et collines, la direction des ressources en eau (DRE) de la wilaya de Tizi Ouzou, comme le soulignera son premier responsable Rachid Hameg, « a engagé un vaste programme de développement de 69 opérations ». Pour l'heure toujours, selon notre interlocuteur, ce programme de développement de l'alimentation en eau potable comprend « 45 opérations sur les 69 inscrites pour une autorisation de programme de 13 529 083 000 DA, soit 56,26% de tous programme confondu ». Ce programme s'articule autour de 5 cinq axes principaux. Il s'agit toujours, selon le DRE, de la mobilisation de la ressource, de l'augmentation des capacités de stockage, de la réhabilitation des réseaux d'adduction, de celui des équipements électromécaniques et enfin la réalisation de nou-veaux réseaux de distribution. Ainsi, en matière de mobilisation de la ressource et en plus des barrages alimentant la wilaya, et des forages existants, la DRE dispose d'un programme de réalisation et d'équipement de 20 forages à travers la wilaya, dont le taux d'avancement moyen est de 40% avec un débit escompté de 40l/sec. « Par ailleurs, un programme de captage de 68 sources est en cours avec un taux d'avancement de 30%, pour un débit escompté de 30l/sec », indiquera encore Rachid Hameg. Le second axe consiste en la construction de 128 réservoirs pour un volume total de 43 900 m3, dont 92 (29 950 m3) sont déjà achevés et mis en service, alors que 17 réservoirs (7 400m3), présentent un taux d'avancement appréciable de 80%. 08 sont en cours de lancement, alors que 11 réservoirs (4350m3) souffrent d'absence de sites adéquats, d'opposition ou de conflits. « Les conduites d'adductions vétustes sont à l'origine de beaucoup de déperdition d'eau, d'où la nécessité de lancer des travaux de réhabilitation de 140 km, tous diamètres confondus, de conduites qui permettront de réduire les fuites et d'améliorer le service public », comme le précisera notre interlocuteur pour évoquer le troisième axe alors que pour le quatrième, il fera remarquer que l'opération a été dictée par le vieillissement des groupes électropompes qui engendre une chute de rendement et une baisse de production. « C'est pourquoi leur réhabilitation fait partie de la stratégie d'amélioration du service public de l'eau. Dans ce cadre, 150 groupes électropompes ont été rénovés ». Et pour conclure ce chapitre, il nous a souligné que deux opérations de réalisation de 667 km de réseau de distribution est en cours, « en vue de doter les villages dépourvus, ou bien ceux pour lesquels les réseaux existants avaient été conçus en bornes-fontaines. D'ailleurs, les 571 km posés ont permis la mise en service de réseaux au profit de 69 villages. De son côté, l'ADE de Tizi-Ouzou, qui produit une moyenne journalière de 287.593 m3 dont 81.440 m3 en eaux souterraines et 206.153 m3 en eaux superficielles, assure une distribution de l'ordre de 260.560 m3, pour des besoins exprimés de l'ordre de 230.000 m3/jour pour 62 des 67 communes que compte la wilaya de Tizi Ouzou, alors que pour les cinq restantes, à savoir Illiltène, Aït Zikki, Idjeur, Aït Bouaddou et Akbil leur gestion est confiée à leurs APC respectives. Sur les 62 communes gérées par l'ADE, dont 3 sont géréées en gros, 14 sont desservies en continu, 30 au quotidien,13, 1 jour sur 2 et 5, 1 jour sur 3. De concert avec le ministère de tutelle et la DRE, il a été procédé à des restrictions d'AEP à partir du barrage Taksebt. Restrictions dictées par la nécessité de sauvegarder la ressource et d'en rationaliser la consommation. Faire face aux caprices de la nature Cette situation est engendrée par la baisse de la pluviométrie, qui a fait que le niveau de ce barrage a baissé à moins de 50%. « Néanmoins il faut retenir que la réserve actuelle est jugée suffisante jusqu'au retour de la saison hivernale. C'est pourquoi l'autorité de régulation a instruit l'exploitant à l'effet de relever le volume journaliser de 165.000 m3, pour faire face à la demande de la saison estivale », conclura Rachid Hameg. Ce dernier ne manquera pas de faire appel à la sagesse et au bon sens des citoyens. « Plusieurs contraintes gênent ou empêchent carrément le déroulement des travaux, telles que des oppositions, ou des conflits. Par ailleurs, des oppositions au transfert de la ressource sont rencontrées en zone de montagne, au point où même la prise du trop-plein est refusée. C'est ainsi que des conflits éclatent, çà et là, entre des villages revendiquant la propriété de sources, à l'image des quatre villages d'Illiltène se disputant un territoire contenant des points d'eau. Un vieux problème ressurgissant périodiquement. Ce qui a amené les services de l'Etat à décider de retenir un bureau d'études spécialisé, pour concevoir un système de répartition à même d'assurer l'équité. C'est pourquoi j'appelle les populations à faire preuve de beaucoup de discernement, tant il y va de l'avenir de la région et de celui des générations futures ». Reste seulement à espérer que cet appel et ce vœu pieux trouveront un écho favorable auprès des citoyens.
