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« Le prosélytisme est farouchement combattu dans nos mosquées » Entretien avec Imad Aït-Essedik, directeur des affaires religieuses et des wakfs de Tipasa
L'état des lieux de la gestion du fonds de la zakat, prémunir les mosquées contre les prêches propagandistes intégristes et le prosélytisme, tout en promouvant le rite malékite comme unique référent, l'état d'avancement de la mosquée pôle, la roqia ainsi que d'autres questions sensibles sont les sujets auxquels Imad Aït-Essedik, directeur des affaires religieuses et des wakfs de Tipasa, a bien voulu nous donner des réponses et des éclaircissements à travers cet entretien. A l'instar des autres wilayas, Tipasa est dotée d'un fonds de la zakat. L'exercice de la campagne 2015-2016 vient d'être bouclé. Comment appréciez-vous l'opération ? Le bilan de l'opération est à tout point de vue positif. Grâce à l'engagement des citoyens de la wilaya, en général, et les mécènes, dont le nombre ne cesse d'augmenter, en particulier, je peux vous affirmer que le fonds de la zakat est en nette augmentation d'année en année. Avant d'évoquer le bilan chiffré, il faut, à mon sens, revenir d'abord sur quelques remarques, lesquelles sont nécessaires pour comprendre les raisons de l'adhésion massive des citoyens à cette démarche. En effet, le travail de sensibilisation constant mené par les cadres de notre direction, notamment par les imams, en ce sens à travers toutes les mosquées de la wilaya a eu un impact direct sur la réussite de l'opération. Résultat : chaque année, de plus en plus de fidèles préfèrent verser la zakat dans le fonds en question. Outre l'engagement des imams de la wilaya, que je salue au passage, pour le travail colossal qu'ils accomplissent tous les jours, la transparence s'est avérée un atout non négligeable. Tous les citoyens peuvent facilement avoir accès aux teneurs des bilans des campagnes de collecte de la zakat. Ainsi, avant le début de chaque nouvelle campagne, nous organisons une journée d'étude à laquelle prennent part notamment les cadres de notre direction, les imams ainsi que des mécènes. Au cours de cette rencontre, nous soumettons les bilans de l'exercice clôturé. Ainsi, les présents connaissent avec exactitude la destination de chaque dinar collecté. Dans le cadre de la sensibilisation des fidèles dans les mosquées afin qu'ils contribuent à la campagne de collecte, les imams et les responsables des mosquées rendent également des comptes dans la plus totale transparence. Cette approche a consolidé, on ne peut mieux, la relation de confiance entre les citoyens envers le fonds de la zakat. Ceci dit, le citoyen, en versant le montant de sa zakat dans le fonds, s'est pertinemment que cet argent ira à des nécessiteux, car le dispositif mis en place est tout à fait fiable en ce sens. Pour revenir au bilan du fonds de la zakat de la wilaya couvrant l'exercice 2015-2016, le montant des collectes a atteint 1,5 milliard de centimes. Grâce à ce fonds, nous avons pu remettre à 2009 nécessiteux et familles nécessiteuses des sommes variant de 3.000 à 5.000 DA. Je le répète, pour moi, c'est une campagne positive. A titre comparatif, la redistribution du fonds de l'exercice 2014-2015 avait concerné moins de 1.800 nécessiteux. Avec une simple opération arithmétique, on se rend compte qu'en plus, 10% de nécessiteux ont bénéficié cette année du fonds de la zakat par rapport à l'année écoulée. Une évolution appréciable qui s'inscrira sûrement avec les mêmes proportions, si ce n'est plus, dans le futur, d'autant plus que si l'on se réfère aux expériences passées, on remarque que les bilans sont d'année en année en nette croissances. Qu'en est-il des prêts non rémunérés (El qard el mouhacen) ? Le dispositif est pour le moment gelé à travers l'échelle nationale par la tutelle, le temps de procéder à un diagnostic exhaustif sur ses résultats depuis son lancement. C'est une démarche d'étape tout à fait nécessaire, afin d'ajuster ses mécanismes de sorte à ce qu'on optimise son fonctionnement. En attendant, le fonds de la zakat est toujours en vigueur. Quand l'opération de la collecte du fonds de la zakat de cette année avait-elle commencé ? La campagne a été entamée il y a de cela quelques semaines. Plus exactement le 1er moharram. Il faut savoir qu'avant son lancement, tout un travail organisationnel et de sensibilisation est mené en aval. Sa réussite dépend de l'effort consenti avant et durant l'opération. A l'instar des années précédentes, nous ne lésinons sur aucun moyen ni action pour que la campagne se fasse dans de bonnes conditions. Prévue pour 2015, la livraison des travaux du projet de réalisation de la mosquée pôle de la wilaya de Tipasa connaît actuellement un retard. A quoi cela est-il dû ? Avant de répondre à cette question, il y a lieu de revenir sur l'importance et l'impact de ce projet d'envergure dont a bénéficié la wilaya. La mosquée pôle, implantée sur le territoire du chef-lieu de wilaya, est un projet de grande envergure. C'est un complexe religieux qui, une fois achevé, peut accueillir jusqu'à 15.000 fidèles. Il sera doté d'un ensemble d'équipements et de commodités qui seront à la hauteur des missions qui lui sont dévolues. En plus d'un grand parking, on y a prévu une bibliothèque répondant aux normes les plus modernes, une salle de conférences, une école coranique avec internet ainsi que quatre logements de fonction. C'est vous dire son importance. Ceci dit, actuellement, le projet connaît un taux d'avancement à hauteur de 48%. Le projet auquel les pouvoirs publics ont mobilisé 98 milliards de dinars ne souffre nullement du manque de financement. Le problème se situe au niveau de son exécution. En effet, entamé en 2011, le projet a connu un retard suite aux problèmes auxquels fait face l'entreprise en charge de sa réalisation. Comme il fallait s'y attendre, ces derniers ont déteint négativement sur l'état d'avancement du projet. Pour autant, notre direction et les autorités de la wilaya sont déterminées à ce que ce projet soit livré dans les délais les plus optimaux. Pour ce faire, un travail de fond se fait quotidiennement. Me concernant et en ma qualité de directeur des affaires religieuses et des wakfs, je tiens chaque semaine une réunion avec le bureau d'études en charge du projet, afin de connaître en temps régulier l'état d'avancement des travaux engagés. Cette réunion nous permet également de prendre connaissance des éventuels écueils rencontrés afin de procéder à les assainir. En somme, la livraison de la mosquée pôle de Tipasa est l'une des priorités majeures de notre direction. Plusieurs mosquées sont actuellement en construction à travers le territoire de la wilaya. Peut-on avoir des statistiques dans ce registre ? Pour le moment, le nombre de mosquées en construction est de 87. Celles-ci s'ajouteront aux 138 lieux de culte en fonction à travers les 28 communes de la wilaya. A terme donc, la wilaya de Tipasa disposera de 225 mosquées. Ce nombre important de mosquées ne va-t-il pas poser d'une manière ou d'une autre des problèmes d'encadrement ? Peut-il y avoir à terme un déficit en matière de disponibilité des imams pour officier dans l'ensemble des lieux de culte ? D'abord, il faut savoir une chose : toutes les mosquées en activité sur le territoire de notre wilaya sont encadrées par des imams affectés sur place par notre Direction. Les 138 mosquées où s'accomplissent les prières du vendredi sont prises en charge de sorte que le fidèle puisse accomplir son devoir dans de très bonnes conditions. Concernant les futures mosquées, notre stratégie est la même. On y affecte des imams dès que celles-ci sont ouvertes. Cela va de notre engagement. Quelles sont les capacités actuelles des mosquées de Tipasa ? Les mosquées de Tipasa peuvent accueillir simultanément jusqu'à 102.710 fidèles. Une capacité importante si l'on se réfère à la population de la wilaya. Pour autant, avec la réception des nouvelles mosquées, ce nombre sera automatiquement augmenté. Combien d'imams officient actuellement à travers la wilaya de Tipasa ? L'effectif global comprend 57 imams orateurs et 103 imams de prières. Aussi, nous disposons d'un collectif de 159 maîtres coraniques. Je tiens, à travers cet espace, à leur rendre hommage, car ils sont en train d'accomplir une mission à la fois noble et délicate. En parlant justement de maîtres coraniques, combien d'écoles coraniques sont fonctionnelles à travers la wilaya de Tipasa ? Nous disposons présentement de 10 écoles coraniques qui peuvent prendre en charge le cursus de 3.740 élèves à la foi. L'effectif actuel des élèves est, selon les dernières statistiques, de 852 apprenants. Le nombre varie en effet selon les périodes. Cependant, les capacités actuelles peuvent répondre aux demandes exprimées, d'autant plus que des internats sont ouverts pour accueillir les talebs vivant loin de l'école. Y a-t-il d'autres écoles programmées ou en chantier pour le moment ? Effectivement, la wilaya dispose d'un projet de construction d'une école coranique au niveau de la ville de Tipasa. Celle-ci est intégrée dans le projet de réalisation de la mosquée pôle de la wilaya. Les travaux de sa réalisation sont en cours. Y a-t-il d'autres équipements dont dispose le secteur des affaires religieuses à Tipasa ? A titre d'exemple, nous disposons d'un Centre culturel islamique non loin de la mosquée pôle de Tipasa. Ce centre, réceptionné, ces dernières années, est opérationnel. Il nous permet entre autres d'organiser des rencontres, des journées d'étude ainsi que d'autres activités, en plus de ses missions originelles relatives à la diffusion du savoir notamment. Qu'en est-il des zaouïas et de leur rôle dans la wilaya ? On recense actuellement à Tipasa 11 zaouïas. Toutes ne sont pas en activité. La majorité abritent des mausolées de saints de la région. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs ne rate jamais une occasion pour insister sur le rôle de la mosquée pour combattre les idées extrémistes et le prosélytisme. Sur le terrain, comment est mené ce travail ? Comme je l'ai déclaré tout à l'heure, je rends un vibrant hommage aux imams pour la délicate mission qu'ils accomplissent quotidiennement. En effet, lutter contre les idéologies extrémistes, et ce, quels que soient leurs bords, suppose à la base de diffuser un discours d'un Islam juste et de tolérance. Tel qu'il nous a été transmis par nos aïeuls. Consolider ce message, qui objecte toute velléité takfiriste, de discorde et de la fitna, passe inéluctablement par la diffusion des préceptes islamiques suivant notre rite malékite, hérités de génération en génération à travers des siècles. Je peux vous dire, eu égard au poste que j'occupe, que notre engagement dans cette démarche a porté ses fruits. Nos mosquées sont en effet hermétiques à toutes les influences discordantes. Pouvez-vous être plus précis ? Pour parvenir à éradiquer les phénomènes de prosélytisme qui en premier lieu s'inscrivent en porte-à-faux avec nos principes et l'enseignement hérité de nos pieux savants appartenant à l'école malékite, nous avons privilégié l'option préventive à tous les niveaux. Je m'explique. En partant du postulat que la nature a horreur du vide, nous prenons toutes les dispositions requises afin d'affecter un imam dès qu'une mosquée est opérationnelle. Cette action nous permet de faire avorter à temps toute récupération, fût-elle brève, de l'espace cultuel. Pour mieux me faire comprendre, je donne un simple exemple : il est dans de rares cas, Dieu merci ils ne sont pas nombreux, où des personnes contribuent à la construction d'une mosquée dans le but d'essayer d'imposer d'une manière ou d'une autre un imam connu pour ses prêches extrémistes. Alors, pour ne laisser aucune opportunité à ce type d'infiltration, nous prenons en main automatiquement l'encadrement de la mosquée. Aussi, mis à part les encadreurs de la mosquée, aucune autre personne ne peut, en dehors de la voie réglementaire, peut dispenser des cours ou organiser des halakates. C'est formellement interdit. Y a-t-il d'autres mesures prises en ce sens ? Bien évidemment. L'imam est tenu, à travers ses prêches et les dourouss (cours) qu'il anime, de diffuser le véritable Islam et de combattre toutes les idées intégristes. Les imams organisent par semaine une moyenne de trois cours afin de sensibiliser les fidèles sur différentes questions relatives à ce sujet ainsi que sur d'autres ayant une relation avec les principes de la théologie et les autres sciences islamiques. En conclusion, je peux vous affirmer que nos mosquées, de la petite jusqu'à la plus grande, ne sont pas infiltrées et demeurent des centres de diffusion d'une religion de tolérance. On assiste ces dernières années à la prolifération d'activités et de pratiques fort lucratives dans la société. Sans assimiler l'une à l'autre, la roqia et le charlatanisme en font partie. Quel rôle joue actuellement la mosquée pour y faire face ? La roqia charaïa est une pratique qui remonte à l'avènement de l'Islam. Elle a ses règles et obéit à un procédé clair. Seulement, de nos jours, on observe que énormément de gens s'y adonnent en contrepartie de sommes d'argent. Nos instructions en ce sens sont claires et appliquées à travers toutes les mosquées de la wilaya. Personne ne peut exercer la roqia dans une mosquée ou dans ses dépendances. Il est également interdit de s'adonner à ses pratiques dans tous les lieux des wakfs. Nous veillons constamment à l'exécution de cette instruction. S'il arrive à quelqu'un d'enfreindre ses interdictions, il s'exposera automatiquement à des sanctions. S'agissant maintenant des pratiques de la sorcellerie et de charlatanisme, il faut savoir que nos imams sensibilisent régulièrement les fidèles à travers les prêches contre ces phénomènes qui nuisent fortement à la société et qui sont totalement étrangers à l'Islam. Notre rôle d'éducateur est pleinement assumé dans ce volet.