La population du village de Boumessaoud, situé sur les hauteurs de la Kabylie, a pour ambition de faire de ce hameau une destination touristique par excellence. Les habitants visent également par ce projet à faire connaître et promouvoir les coutumes et traditions de la région et découvrir un homme de culture, une sommité, en l'occurrence Chérif Kheddam. Les participants au concours du village le plus propre, à Boumessaoud, ne se sont pas limités au nettoyage de leur « dechra » et à la collecte des ordures et des déchets. Ils ont participé à « l'esthétique » générale des lieux. Le visiteur qui s'y rend pour la première fois est ébahi par le décor. A l'entrée, un espace a été aménagé en aire de repos. Il abrite une fontaine à l'intérieur d'une caverne rocheuse d'où l'eau jaillit en cascade d'une jarre. La clôture a été construite par des jeunes avec des chutes de bois sciées à la main. Une main soulevant le signe amazigh, symbolise sans doute les luttes héroïques de cette population qui n'ont d'ailleurs pas été sans sacrifices. Les ruelles ont été goudronnées, tout au long des allées. La propreté est visible partout. Aucune trace de saleté. Même pas un bout de papier ou un mégot. Des photos et des portraits ornent les façades des maisonnettes. On peut voir de loin, un portait géant du défunt Chérif Kheddam. Chaque lieu est identifié par des plaques et des insignes kabyles, mentionnant les principaux sites et placettes du village, notamment la maison de Chérif Kheddam. « Elle est classée comme patrimoine national. Nous allons procéder à la restauration de cette maison pour qu'elle devienne un vrai musée », a expliqué Malek Abidet, membre du comité de village et représentant des jeunes de Boumessaoud. A l'intérieur, le visiteur peut découvrir les traditions de la famille kabyle à l'exemple d'une huilerie traditionnelle « maânsra »... Le directeur de la prévention de la Protection civile, le Colonel Farid Nechab, présent sur les lieux, a relevé les mesures préventives prises par nos aïeuls. « Regardez le plafond. C'est aéré. Cela explique l'absence d'incendie et de feu dans les habitations ou d'asphyxies alors que les mamans cuisinaient dans le ‘'kanoun'' (une sorte de braséro creusé dans le sol, NDLR), qui accueille le feu de bois », a-t-il dit. Des outils traditionnels sont toujours là dont un vieux moulin manuel en bois avec sa grande louche, des couffins, ainsi que de diverses poteries en argile. La maison est devenue un lieu de pèlerinage pour des touristes nationaux et étrangers. « Depuis le mois de juin, nous avons accueilli plus de 4.000 visiteurs », a indiqué Malek Abidet. Une grande plaque décorée où a été mentionné « Thala » (la fontaine), attire notre attention, notamment la présence de bassins construits en pierre dotés de robinets. « C'est une source, une fontaine. Les bassins sont aménagés pour l'abreuvement des bêtes », a précisé notre guide. Devant chaque maison, se trouve un bac. Les jardins sont bien entretenus, sous l'œil vigilant de Nna Saâdia Azzi, la doyenne du village. En robe kabyle, elle a soutenu que le village est un musée à ciel ouvert, grâce aux efforts des jeunes. La solidarité est une vertu hautement cultivée à Boumessaoud. Dans ce village, rien n'a été laissé au hasard. Même les cimetières familiaux ont été réaménagés et clôturés. En outre, au centre du village, émerge une grande mosquée d'une architecture traditionnelle avec un minaret en couleur berbère, située juste à proximité d'une salle de réunions. A l'intérieur de cette dernière, un bureau aménagé abrite l'association culturelle Chérif-Kheddam. En face, le siège de « Tajemaât », l'assemblée du village. A quelques mètres de là, tout en bas, une sonde d'eau est en cours de réalisation. A côté, une plateforme accueille des bacs de tri sélectif des déchets. Un travail d'une année Malek Abidet, membre du comité du village et représentant des jeunes, a soutenu que ces résultats ont été réalisés grâce à l'engagement de la population de Boumessaoud. « Il faut savoir que le concours du village le plus propre à Tizi Ouzou a été l'initiative de feu Rabah Aissat, ancien président de l'APW de Tizi Ouzou. Il a été assassiné par des terroristes en 2006. Nous avons tenu à lui rendre un grand hommage à travers notre participation au concours », a-t-il tenu à préciser. En effet, un appel a été lancé aux habitants âgés entre 18 et 65 ans pour participer à « techmilt » (volontariat) pour l'opération. « Les absences injustifiées sont sanctionnées par une amende de 1.000 DA. Nous avons travaillé avec nos propres moyens, de jour comme de nuit, durant toute une année, y compris le mois de ramadan, de 21h jusqu'à 3h du matin. Adieu les veillées ramadhanesques ! Tout le monde était mobilisé, même les émigrés qui ont participé par des dons ou par leur participation à l'effort », a-t-il expliqué en signalant qu'une coordination se fait entre le comité de village et la diaspora installée en France. Les conduites d'eau ont été renouvelées. Les compteurs sont contrôlés régulièrement. Nous avons procédé au forage avec la délivrance de quittance pour paiement durant la période allant du 15 mai au 15 septembre. Chaque famille dispose notamment d'une quantité de 50 litres gratuitement. Si elle dépasse cette consommation, elle doit payer une amende », a-t-il révélé. Le jeune a présenté le règlement intérieur du village : « Tous les habitants sont soumis à ce règlement voté à l'unanimité lors d'une assemblée générale. Les infractions sont déterminées avec les sanctions, notamment celles liées au comportement et à l'incivisme. Il s'agit entre autres, du stationnement interdit sur la route du village, l'évacuation des ordures ménagères hors des horaires fixés, le port du short et du bermuda à l'intérieur du village », a relevé notre guide. Comment préserver cette propreté et la réputation du village ? « Par l'application du règlement intérieur et l'organisation de ‘'techmelt'', chaque week-end, notamment par les jeunes », répond Malik Abidet. « Nous ne nous limiterons pas à ce stade. Nous envisageons de développer notre village. Une récompense de 10 millions DA a été offerte au village par le ministère des Ressources en eau et de l'Environnement pour avoir décroché le Prix du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou. Le comité de village compte investir cet argent dans des opérations d'amélioration du cadre de vie des citoyens et de préservation de l'environnement. Des projets - notamment la création d'un manège équipé pour enfants et un stade de proximité pour les jeunes du village - sont prévus. Nous envisageons notamment la restauration des vieilles maisons pour l'accueil des touristes et pouvoir offrir un séjour traditionnel sur tous les plans », a-t-il soutenu. De son côté, le P/APC d'Imsouhel, Hocine Ghanem, a indiqué que c'est une initiative de la population et « l'APC ne fait que l'accompagner. Les villageois de Boumessaoud ont fourni des efforts considérables avec peu de moyens, pour arriver à cette distinction. C'est une fierté pour le village, la Kabylie et toute l'Algérie. Cette bourgade doit devenir un site touristique », a-t-il soutenu. La Protection civile va accompagner les « Tejmaât » Par ailleurs, la Direction générale de la Protection civile (DGPC) a annoncé sa disponibilité à accompagner et à soutenir les comités de village. « La Protection civile, sur orientations de son directeur, le Colonel Mustapha El Habiri, a toujours encouragé les actions citoyennes positives parce qu'on ne peut parler de développement durable sans évoquer la protection de l'environnement. Le village de Boumessaoud est un exemple pour les villages de toute l'Algérie, d'un comportement citoyen exemplaire. C'est une prise de conscience de l'importance de la préservation de l'environnement, une action préventive contre le risque des incendies de forêt, accentué par des décharges sauvages et des déchets », a expliqué le sous-directeur de l'information et des statistiques de la DGPC, le colonel Farouk Achour. « Nous travaillons avec la société civile, notamment les associations actives sur le terrain », a-t-il dit. L'officier a rendu hommage à la population de ce village exemplaire. « Le message de la population de ce village est fort : par la volonté, on peut réussir beaucoup de choses, même avec peu de moyens », a-t-il conclu. Thanmirth illemzyen n'Boumessaoud, thadarth n wen thechvah attas attas...