Beaucoup d'incertitudes planent sur la réunion de l'Opep, prévue aujourd'hui à Vienne, selon l'expert international en pétrole, Mourad Preure. Invité hier au forum d'Echaâb, il a déclaré que vu le contexte économique et énergétique actuel, il ne faut pas beaucoup attendre de l'accord d'Alger. « Un grand dilemme se pose aux membres de l'Opep. Faut-il baisser les prix pour maintenir la production ou bien baisser la production, comme le stipule l'accord d'Alger, et perdre des parts de marché ? Ce sont les intérêts qui motivent les décisions de cette organisation. Or, ces intérêts ne sont pas les mêmes pour tous », relève-t-il. Car, d'une part, il y a des pays membres qui n'ont pas d'importantes réserves de pétrole et ont des besoins financiers importants, et d'autre part, ceux qui ont d'importantes réserves et des besoins financiers moindres, comme l'Arabie saoudite. Ce qui signifie que la baisse de la production, selon lui, n'arrange pas tout le monde, surtout que l'Iran et l'Irak affichent des ambitions énergétiques qui risquent de supplanter l'Arabie saoudite. « La réunion d'Alger a fixé un plafonnement de 32.5 à 33 millions de barils/jour alors que le plafond officiel de l'Opep se situe autour de 30 Mbj. Mais personne ne parle de ce dernier point. Et la production de l'Opep ne cesse d'augmenter depuis l'accord d'Alger. La Libye a augmenté sa production, ainsi que le Nigeria et l'Irak », indique-t-il. Le contexte actuel est marqué, par ailleurs, par un désintérêt des producteurs non Opep vis-à-vis de l'Opep. La Russie est la seule qui s'intéresse à l'Opep mais sa position, rappelle-t-il, demeure ambiguë. « La réussite de la réunion de Vienne suppose une baisse d'au moins 1.2 Mbj. Mais est-ce possible ? Surtout que l'Opep a perdu le pouvoir de réguler le marché face à une offre américaine plus flexible. Ce sont les huiles de schiste américaines qui jouent désormais le rôle de swing producer », dit-il. Cela dit, en dépit de cette situation, le marché, pétrolier, d'après lui, va s'équilibrer en 2017. L'expert avance trois scénarios relatifs aux conclusions de la réunion de Vienne. Si les producteurs n'arrivent pas à un accord, les prix fluctueront autour d'un pivot de 40 dollars le baril le dernier trimestre 2016 mais remonteront ensuite de 10 dollars le 1er trimestre 2017. Si un accord minimum entre producteurs est conclu, les prix fluctueront autour de 50 dollars le baril avec une appréciation de 10 dollars. « Si le Moyen-Orient est traversé par des turbulences ou par une crise majeure pouvant occasionner des ruptures d'approvisionnement, les prix seront propulsés vers des seuils beaucoup plus hauts », précise-t-il. Preure a signalé, par ailleurs, que la demande du pétrole va augmenter dans les années à venir et qu'elle proviendra surtout des pays émergents. « Le pétrole est et continuera à rafler le taux le plus élevé de la consommation énergétique mondiale. Il sera plus cher avec les années. Dans 10 ans, son prix sera quadruplé. Mais l'Algérie ne doit pas trop attendre de l'Opep comme elle ne peut pas envisager d'exporter demain son énergie solaire comme elle exporte aujourd'hui le pétrole. Il faut sortir de cet esprit de fournisseur et aller vers celui de producteur », conclut-il.