Le marché de l'or noir a du mal à maintenir un cap dans un marché totalement excédentaire, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) n'arrive toujours pas à faire remonter les cours du pétrole qui continuent à évoluer en dents de scie en fonction des évènements conjoncturels, des déclarations et des données relatives à la production et des stocks, notamment aux Etats-Unis, et des pays non-OPEP, d'où l'organisation de cette réunion dite "informelle'' prévue en Algérie du 26 au 28 septembre 2016 avec comme objectif le rétablissement de l'équilibre pétrolier d'autant plus que les revenus de l'ensemble des pays membres de l'organisation sont passés de 753 milliards de dollars en 2014 à 404 milliards de dollars en 2015, soit une baisse de 46%, les projections pour 2016 et 2017 seront respectivement de l'ordre de 341 milliards de dollars et 427 milliards de dollars. Actuellement, la demande mondiale est de 95,2 millions de barils par jour (mbj), la production de l'OPEP est de 33,11 mbj (34,7% de la demande totale), celle des pays non-OPEP s'établit à 55,84 mbj (3e trimestre 2016), les stocks de pétrole brut aux Etats-Unis continuent d'augmenter et s'élèvent à 523 millions de barils. La stratégie observée chez les producteurs, ces derniers mois, a été d'augmenter la production pour contrebalancer les effets des bas prix des cours du pétrole. La hausse du dollar poussant vers une baisse des prix du brut Les échanges pétroliers étant libellés en monnaie américaine, la force du dollar les rend moins intéressants, donc, ils ont tendance à évoluer de façon inverse à la monnaie américaine, ainsi, tout renforcement du billet vert tend à pénaliser les acheteurs munis d'autres devises. Il faut savoir aussi que pendant les périodes d'incertitudes et de tension, notamment sur les différents marchés boursiers, le dollar a tendance à augmenter, aussi, les arguments pour une hausse des taux d'intérêt se sont renforcés au cours des derniers mois, comme affirmé par la présidente de la réserve fédérale américaine (FED), ceci ne fera que renforcer le dollar. La production iranienne et irakienne en nette augmentation L'échec de la précédente réunion (avril 2016) pour un gel de la production a été largement attribué à l'Iran qui faisait son retour sur le marché mondial à la suite de la levée de sanctions internationales. Actuellement, la production iranienne s'établit à 3,85 mbj et a presque atteint son niveau de production d'avant les sanctions, après les rumeurs entourant sa participation à la réunion, le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a confirmé la participation du troisième plus grand producteur au sein de l'OPEP à la réunion d'Alger sans toutefois préciser s'il soutiendrait un gel de la production, une option peu probable car l'Iran a toujours manifesté d'une manière claire sa volonté de récupérer ses parts de marché d'avant les sanctions. Dans le même registre, l'Irak souhaite aussi augmenter sa production afin de tirer vers la hausse les revenus du pays, la production, qui a déjà atteint 4,3 mbj, est encore loin de la capacité de production qu'il pourrait générer (9 mbj). Trois scénarios à court terme Il faut toujours garder en tête que le marché pétrolier est un marché "cyclique", à court terme et bien que c'est extrêmement difficile de projeter les prix du baril, trois scénarios sont possibles : (1) si aucun consensus n'est trouvé pour réduire la production actuelle de l'OPEP, les prix du baril vont continuer à fluctuer aux alentours des 45-50$ le baril ; (2) s'il y a une anticipation sur la reprise de la demande avec un gel de la production, les prix du baril vont se situer dans la fourchette 55-60$ ; (3) en cas de crise majeure, notamment dans le Moyen-Orient, occasionnant une dérégulation du marché, les prix du baril seront sûrement tirés vers la hausse (70-80$). Quel rôle peut jouer l'OPEP pour réguler le marché pétrolier Depuis maintenant plus de deux ans, on assiste à une bataille des parts de marché couplée à une guerre des prix. La coopération des pays membres de l'OPEP peine à trouver une stratégie pour faire face à cette situation car chaque membre est en train de défendre sa propre politique au détriment des autres, ainsi l'OPEP (notamment l'Arabie Saoudite) fait face à des difficultés pour jouer le rôle de "swing producer", il faut absolument rétablir la bonne coopération d'autrefois et trouver un consensus qui sert les intérêts communs de l'organisation d'autant plus qu'au sein de l'organisation, il n'y a plus de quotas mais des plafonds en matière de production. En clair, il faut une solidarité entre les pays membres de cette organisation et pourquoi pas des partenariats stratégiques entre les compagnies publiques, notamment en matière de développement à la fois technologique et managériale comme le suggère l'imminent expert pétrolier, le Dr Mourad Preure. Vers de nouveaux contrats à terme de référence sur le pétrole brut Les autorités chinoises et russes prévoient de lancer prochainement un nouveau contrat à terme de référence sur le pétrole brut pour tenter de rivaliser avec le brent à Londres et le brut léger américain, cela fait partie de la démarche de dé-dollarisation lancée (discrètement) par la Russie et la Chine. Jusque-là, le brent a toujours servi comme étant la référence mondiale sur la base de laquelle presque toutes les transactions peuvent être mesurées. Etant une source d'énergie essentielle pour le pays (la Chine est le 2e plus grand pays importateur de pétrole après les Etats-Unis) et afin d'influencer davantage la formation des prix du pétrole, le "Shanghai International Energy Exchange" a décidé de lancer son contrat à terme coté en yuan (après avoir obtenu le feu vert du gouvernement chinois), permettant ainsi aux investisseurs internationaux d'intervenir directement sur le marché. Du côté des Russes, ils veulent à tout prix briser ce monopole avec une nouvelle transaction de brut russe qui sera négocié au "St. Petersburg International Mercantile Exchange'' (SPIMEX). En effet, la Russie a déjà annoncé qu'elle passera bientôt à l'étape de test de son nouveau standard, ainsi, le prix standard des contrats à terme pour le pétrole russe sera négocié sur les marchés russes, en roubles, d'autant plus que la production russe a atteint un nouveau record avec près de 11 mbj, soit légèrement plus que l'Arabie Saoudite. Ces nouvelles données auront certainement un impact, et non des moindres, sur les fondements du marché pétrolier aussi particulier qu'il soit. A. H. [email protected] Consultant Oil&Gas