Professeur et docteur d'Etat en chimie organique appliquée avec une thèse soutenue en 2005 à l'Université des sciences et technologie d'Alger (USTHB), Djamila Halliche, la directrice générale de l'Agence nationale de valorisation de la recherche et du développement technologique (Anvredet) s'est consacrée depuis 1996 à l'enseignement à l'USTHB ainsi qu'à la recherche scientifique parmi les équipes de recherche du laboratoire gaz naturel. Elle accède en 2008 au grade de directeur de recherche et dirige une équipe dans le cadre des programmes nationaux de recherche. Dans cet entretien, elle revient sur les différents aspects de l'accompagnement des inventeurs et les domaines prioritaires valorisés par cette agence sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Quels sont les domaines de recherche qui sont valorisés par l'Anvredet ? En tant qu'Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et du développement technologique, nous sommes multisectoriels, nous exploitons des domaines divers dont la mécanique, l'électronique, l'agriculture, la santé, l'alimentaire, les TIC, là où il y a un savoir-faire, une innovation, l'agence est assujettie à accompagner ce type de projets innovants, d'où la nécessité d'avoir une ressource en effectif beaucoup plus importante. Un personnel spécialisé ? Pas spécialement spécialisé, parce que nous n'accompagnons pas sur l'aspect scientifique ou technique de la chose, c'est juste permettre l'avancée du projet depuis son stade recherche appliquée sous forme de documents, en faire un produit et le mettre sur le marché. Pour d'autres aspects, ce sont d'autres outils qui interviennent et qui nécessitent beaucoup plus de ressources humaines pour répondre à tous les besoins. J'aurais aimé arriver à spécialiser deux à trois dans chaque spécialité mais nous sommes limités. Est-ce que vous prenez en charge tous les projets innovants ? La soumission se fait par internet via un site web et tous les projets soumis sont évalués par un groupe d'experts externes, mais nous procédons à une sélection interne parfois. Nous avons affaire aussi bien à des chercheurs universitaires, des écoles et des centres de recherche, qu'à des chercheurs indépendants ou qui n'ont pas fait d'études et qui souvent ne savent pas présenter leur projet ou présentent très mal, parfois ce n'est pas vraiment une innovation. Quand on voit que c'est archaïque comme projet, nous procédons à une présélection, voire une élimination pour ne pas déranger des experts, engager des finances et toute la logistique nécessaire pour un projet qui ne vaut pas la peine. La sélection se fait par rapport à quels besoins socio-économiques ? Il y a des critères de sélection d'abord, il faut une confirmation de l'innovation, un fondement scientifique puis nous passons à l'impact économique du projet, l'étude technico-économique, le besoin national dans le domaine, la valeur ajoutée et parfois même s'il s'agit d'une innovation et que pour l'instant notre pays ne consent pas comme une priorité, on choisit l'innovation qui répond à un besoin crucial et immédiat du citoyen. Nous n'hésitons pas à faire appel à des experts et des consultants extérieurs, des avis d'économistes, de scientifiques et pas nécessairement le personnel de l'Anvredet. On fait appel aux personnes idoines selon le type de projet, autrement dit, on se fait entourer d'un staff assez consistant. L'évaluation des projets est-elle permanente ? Selon le processus précédent, nous avions trois sessions par an, mais on se retrouvait avec énormément de projets qu'on ne peut pas prendre en charge parce qu'on n'a pas les moyens matériels et humains nécessaires donc nous ne pouvons pas accompagner tous les projets proposés surtout qu'il s'agit d'un travail permanent, de longue haleine qui nécessite de la persévérance d'autant que la période d'accompagnement est réduite. Il faut donc vraiment cibler ce qu'on doit accompagner et être concentré sur le projet afin d'arriver à de bons résultats. En plus, nous travaillons dans la promotion, la concertation avec les autres secteurs, les opérateurs économiques sur tout le territoire national. Combien de projets avez-vous accompagnés jusqu'à présent ? Nous sommes sur 40 projets incubés en 2016, plus d'une dizaine d'entreprises innovantes ont été créées tous programmes confondus. Vous allez dire que c'est peu, mais en France par exemple, au regard de leur structure d'accompagnement et les moyens dont ils disposent, ils ne réalisent pas plus de cinq projets par année mais ce sont de vraies créations. Il est vrai que cela déçoit certains inventeurs dont les projets sont rejetés mais il faut qu'ils sachent qu'il y a une priorité, un besoin économique national auquel il faut répondre. Vous voulez dire que la priorité est donnée aux projets qui répondent aux besoins des consommateurs ? L'Anvredet inscrit pleinement ses actions dans la stratégie de la transition énergétique du pays qui n'est pas liée uniquement au pétrole, mais c'est une question de savoir-faire qu'il faut mettre là où il faut, c'est une stratégie qui doit comporter en son sein ce segment d'innovation et de valorisation. Comme vous l'avez vu au Salon, pas mal de projets exposés peuvent contribuer à l'essor économique du pays et apporter une valeur ajoutée et avoir un impact économique. C'est ainsi que les grandes nations construisent leur économie. On parle de la diversification de l'économie nationale et de la priorité de certains secteurs tels que l'agriculture. Est-ce que l' Anvredet s'inscrit dans cette démarche ? En tant qu'agence nationale étatique, nous suivons la stratégie économique nationale, l'agriculture, la sécurité alimentaire, la problématique de l'eau, la problématique de l'énergie, la santé sont des besoins cruciaux auxquels il faut trouver application et développer surtout. Il est évident que les politiques et les décideurs s'intéressent à ces secteurs de manière prioritaire. Le développement de ces secteurs se fera mieux avec les TIC qu'il faut également développer. Quels sont vos partenaires ? L'innovation est un domaine transversal. Depuis 2013, année de mon installation à la tête de l'agence, on s'est attelé à construire cet écosystème avec tous les secteurs. Nous sommes partenaires des secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de l'environnement et bien d'autres secteurs dans de nombreuses actions. Ce n'est pas assez, j'aimerais qu'on soit plus sollicité pour donner conseil et orienter. Je reste persuadée qu'aucun résultat ne peut être obtenu si l'on s'entête à travailler seul. Certains chercheurs se plaignent du manque de valorisation de leurs travaux... Tous les travaux de recherche ne sont pas forcément valorisables, il y a de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée naissante nous, on a besoin de projets de recherche assez matures. Si un chercheur veut valoriser son projet, il peut aller vers l'institution qui le fait, il faut qu'il manifeste cette volonté de mettre son projet sur le marché. Mais il est des chercheurs qui préfèrent publier leurs travaux et une fois publiés, la valeur innovante du produit est perdue, il n'y a plus de brevet. Un dernier mot. Nous mettons toute notre volonté, notre effort et savoir-faire pour qu'il y ait un réel impact de ce qui réalise l'Anvredet.