Rares sont les femmes qui choisissent le métier de cordonnier ou bottier, l'activité étant depuis toujours une profession d'hommes. Rachida Yahyaoui, cette jeune fille handicapée a jeté son dévolu dans l'apprentissage de cette profession. Très jeune, elle a eu à se battre pour gagner sa place au soleil. Une fièvre sournoise la terrassa durant des mois dans son enfance lui laissant des séquelles à vie. De santé fragile, Rachida aînée d'une famille nombreuse originaire de la ville d'Oran, n'a pas pu aller à l'école comme toutes les filles de son âge. Illettrée, elle apprendra à lire et à écrire toute seule et «lettre par lettre j'ai assimilé l'alphabet arabe et c'est ainsi que jj'ai appris à lire le journal et autres publications.» A l'âge de 10 ans, elle a été envoyée en France et a été hospitalisée à l'hôpital Saint Vincent de Paul. «J'ai pu être soignée pour mon handicap et retrouver partiellement l'usage de mes jambes. Au niveau du centre de rééducation, dans la région de l'Ile de France j'ai reçu un enseignement en français. Quand j'étais enfant jamais, au grand jamais je n'avais cru qu'un jour je pourrai llire et écrire deux langues différentes», raconte-t-elle. Après un stage à l'école pour handicapés de Kouba, où elle apprend la couture, une filière dont les débouchés restent restreints pour une handicapée, Rachida s'orienta vers l'apprentissage de «bottier». «Cette fois, je me suis inscrite au centre des handicapés de Corso. Durant 18 mois j'ai été l'unique jeune fille dans une classe de garçons.» Dessiner la chaussure, tailler le cuir, coller, coudre, toutes les étapes pour une bonne chaussure sont assimilées, mais il y a un mais … «Nous n'apprenions que la réalisation de souliers masculins au centre. Ce qui m'intéresse, ce sont les chaussures féminines.» Son apprentissage terminé, Rachida rentra à Oran. La surveillante générale de l'établissement de formation de Corso raconte : «Nous l'avons orientée vers le dispositif de l'ANSEJ dans le but de la concrétisation d'un projet de petite entreprise de chaussures». Après avoir surmonté la muraille de l'analphabétisme, celle encore de la formation, Rachida, sera-t-elle un jour chef d'entreprise ? La volonté et le courage ne lui font pas défaut. «Et la foi …», conclut-t-elle.