La Russie qui a perdu beaucoup depuis la chute du bloc soviétique en 1989, entend reprendre sa place de grande puissance. Dans un discours prononcé hier depuis Skolkovo (près de Moscou), le président russe Dimitri Medvedev a affiché clairement les intentions de son pays. Pour une première conférence de presse de cette envergure depuis son arrivée au Kremlin en 2008, M. Medvedev a même mis en garde contre un retour à la guerre froide. Et pour cause, les Russes voient la menace d'un bouclier antimissile planer sur leur pays. «Si les Etats-Unis continuent à développer leur projet de bouclier antimissile en Europe de l'Est, en dépit des protestations de la Russie, Moscou devra prendre des mesures de rétorsion, ce que nous préférerions vraiment éviter», dit-il avertissant qu'«il s'agirait alors de développer le potentiel offensif de nos capacités nucléaires. Ce serait un très mauvais scénario. Ce serait un scénario qui nous ferait revenir à l'époque de la guerre froide», a-t-il affirmé devant les 800 journalistes présents. Washington avait annulé en septembre 2009 un premier projet de bouclier développé par l'administration Bush qui avait suscité la colère de Moscou, et annoncé une nouvelle version, moins controversée, mais de nombreux désaccords subsistent. Moscou souhaite être un membre à part entière du système de défense antimissile en Europe et refuse qu'un bouclier sous seul contrôle occidental menace une partie du territoire russe. M. Medvedev ne s'est pas contenté de ses seuls avertissements, il a également menacé de sortir du traité START de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques russe et américain, entré en vigueur en février 2011 après de très longs mois de négociations. Moscou affiche, par ailleurs, une politique tout à fait divergentes de celles de Washington et ses alliés. D'abord, opposée aux raids aériens contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, la Russie contrecarre actuellement, les efforts occidentaux pour une éventuelle décision au Conseil de sécurité contre le gouvernement syrien. Medvedev a une nouvelle fois mis en garde contre une ingérence dans les affaires internes des pays. Il a affirmé qu'il n'approuverait pas l'adoption d'une résolution à l'Onu autorisant le recours à la force en Syrie. «Au sujet d'une résolution sur la Syrie: je ne soutiendrai pas une telle résolution (autorisant le recours à la force pour protéger les civils) même si mes amis me le demandaient», a-t-il assuré, expliquant que la résolution 1973 autorisant le recours à la force contre le régime de Kadhafi avait été «piétinée» par les Occidentaux. «Le président syrien Bachar El-Assad a annoncé des réformes. Il faut faire en sorte que ces réformes soient effectives, et non pas essayer de faire pression avec des résolutions car, en règle générale, ça n'apporte rien», a-t-il estimé. La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, s'était abstenue le 17 mars de faire usage de son droit de veto lors du vote de la résolution 1973. Elle a vivement critiqué les bombardements de la coalition en Libye, privilégiant une solution diplomatique en proposant sa médiation dans la résolution du conflit. Elle a déjà reçu mardi une délégation du colonel Kadhafi et devrait recevoir prochainement celle de la rébellion. Sur le plan national, M. Medvedev a déclaré qu'il annoncerait bientôt s'il sera candidat à la présidentielle de 2012, tout en refusant de révéler pour le moment ses intentions. «Si je décide de faire une déclaration en ce sens, je le ferai. Il n'y a plus longtemps à attendre», a-t-il estimé. «De telles décisions sont prises quand les conditions requises sont réunies, pour que ce soit efficace», a-t-il poursuivi. M. Medvedev a été propulsé en 2008 au poste de président par son prédécesseur (2000-2008), Vladimir Poutine, auquel il devait toute sa carrière politique. Les deux dirigeants ont, à maintes reprises, laissé entendre qu'ils pourraient se présenter à l'élection de 2012.