Enseignant d'histoire de l'art à l'école des Beaux-Arts de Marseille-Luminy, il s'est lancé dans l'aventure romanesque à l'âge de 40 ans. Depuis, il a publié 3 romans et deux récits autobiographiques. Lui qui a pourtant vécu et voyagé en Afrique et en Guyane française, consacre quand même une grande place à la ville phocéenne dans l'espace temps de ses romans «A 40 ans, j'étais dans une impasse, tous les matins, j'empruntais la même ligne de bus et je notais tout ce que je voyais. Le langage de la rue, populaire et moins académique, me servait comme inspiration. J'écris sur la ville parce que la langue est en gestation puis il y a l'humeur de la foule. Je la transformais, pour l'écrire et lui donner vie. Marseille est une ville d'un cosmopolitisme méditerranéen important». Vous l'aurez donc compris, l'homme, quoique intello (il le revendique), fait partie de la masse comme tous les Marseillais, il aime le foot, la bouillabaisse et les quartiers populaires de la ville. Quant à l'écrivain qu'il est depuis plus de 20 ans, c'est un pur urbain dans le style, qui n'a pas peur de le dire, car selon lui l'auteur est avant tout un artiste et s'il veut faire bouger sa page il faut qu'il innove et casse les verrous, autrement dit il faut dépoussiérer la langue et dépasser les contraintes de la littérature classique. Il ira jusqu'à dire que la langue de Molière est une vieille dame qu'il faut secouer. «Je suis sur une frontière entre un langage populaire et académique». Frédéric Valabrègue considère aussi que la production dans la littérature francophone, surtout africaine et antillaise est plus généreuse. Elle n'a pas peur d'explorer le lyrisme, contrairement à la littérature française contemporaine qui est plus défensive et hésitante. Dans ces romans, le premier, la Ville sans nom, (chez POL 1989) et le tout dernier, les Mauvestis, (chez POL 2005), il fait parler les immigrés, les bandes, la cité des Rosiers, et les quartiers populaires. Dans la Ville sans nom, il évoque bien évidemment Marseille mais l'auteur avoue qu'il ne prononce son nom dans aucune page. Ce premier livre, il le décrit comme un combat face à la montée du racisme et de l'extrême droite, dans les années 80, une période horrible, dit-il. «Les immigrés, méfiants au début, s'intègrent petit à petit et finissent par adopter et aimer la cité, contrairement à d'autres villes. Elle n'est pas non plus une ville communautariste car il est vrai qu'elle assimile mais elle n'oublie pas pour autant ses origines» Marseille est donc une ville particulière, souvent rebelle, la preuve de nombreux journalistes, sociologues et hommes politiques ne comprenaient pas comment la deuxième ville de France a été épargnée lors de la crise des banlieues en 2005. Se décrivant comme un romancier porte-parole de la multiplicité du monde, Valabrègue nous promet que sa prochaine œuvre sera entièrement dédiée à l'Afrique et dans laquelle il explorera à fond la technique du monologue intérieur. Après un débat riche en questions-réponses, Frédéric Valabrègue était tout heureux de venir en Algérie et de partager un moment agréable en compagnie d'un public très intéressé, et lorsque nous lui avons expliqué que Marseille a une place particulière pour les Algériens au point qu'elle se fait appeler la 49e wilaya, tout en s'étonnant de cette nouvelle, il éclate de rire.