Cette bataille eut lieu le 4 juillet 1187, et marqua la victoire totale des musulmans dirigés par Saladin (de la dynastie des Ayyubid) contre les croisés du royaume de Jérusalem. Grâce à cette victoire, les musulmans devenaient à nouveau maîtres de Jérusalem, et de la majorité de la Terre Sainte et des villes des croisés se trouvant aux alentours. Guy de Lusignan devint roi de Jérusalem en 1186, en épousant la reine Sibylle, après la mort de son fils Baldwin V. Le royaume de Jérusalem était à cette époque divisé en factions dirigées par Guy, Sibylle et d'autres souverains tels que Raynald de Chatillon, Gérard de Ridefort et ses templiers, et les nobles dirigés par Raymond III de Tripoli, qui avait été le tuteur de Baldwin V et s'était opposé à la montée sur le trône de Guy de Lusignan. Toutefois, par la médiation de Balian d'Ibelin, un affrontement armé a pu être évité entre le roi et Raymond III. Du côté des musulmans, les Etats entourant le royaume de Jérusalem purent être unifiés durant la période 1170-1180 par Saladin. Ce dernier fut ainsi proclamé vizir d'Egypte en 1169, avant de devenir quelque temps après son sultan. Il contrôlait également Damas en 1174, et son royaume s'étendait de Alep en 1175 à Mosul en 1183. A l'issue d'une précédente bataille livrée à Montgisard en 1177, et au cours de laquelle les croisés furent victorieux, un traité de paix fut conclu entre croisés et musulmans. Mais un raid fomenté par Raynald de Chatillon sur une caravane musulmane revenant de la Mecque annula ce pacte. Raynald aurait même menacé d'attaquer lui-même la ville sainte. Lorsque Guy devint roi, Raymond III conclut un traité de paix séparé avec Saladin, et en 1187 il autorisa le sultan à envoyer son armée dans le nord du royaume. Au même moment, une ambassade fut envoyée de Jérusalem à Tripoli pour négocier un arrangement entre Raymond et Guy. Cette ambassade fut défaite à la bataille de Cresson le 1er mai 1187, par la petite force dirigée par l'un des fils de Saladin, Al-Adfal. Raymond III, en proie à la culpabilité, se réconcilia avec Guy, qui décida d'assembler l'armée entière du royaume et de marcher vers le nord en direction de celle de Saladin. LE SIÈGE DE TIBERIAS Raymond et Guy se rencontrèrent à Acre avec le reste de l'armée croisée. D'après les sources européennes, celle-ci se composait de 1.200 chevaliers, une importante cavalerie légère, et peut-être un peu plus de 10.000 hommes d'armes, de nombreux arches, des mercenaires appâtés par l'or offert par Henry II d'Angleterre. Le 2 juillet, Saladin, qui voulait amener l'armée de Guy à quitter les oasis de Saffurya, mena un siège contre la forteresse de Raymond III à Tiberias, pendant que le gros de l'armée musulmane restait campée à Kafr Sabt. La garnison de Tiberias, voyant le péril dans laquelle elle se trouvait, tenta de soudoyer Saladin afin que ce dernier épargne la citadelle. Saladin refusa et dit : «Quand les gens réalisent qu'ils ont en face d'eux un adversaire qu'ils ne peuvent duper et qu'ils ne pourront contenter avec un tribut, ils sont effrayés d'être complètement engloutis et demandent d'être épargnés. Mais ils finissent toujours par périr par l'épée». Guy ordonna à son armée d'aller vers l'est afin de défendre Tiberias, exactement comme l'espérait Saladin, car il savait pertinemment qu'il ne pourrait défaire les croisés uniquement qu'en les amenant à quitter leurs fortifications pour s'établir sur un champ de bataille. LA BATAILLE Les croisés commencèrent leur marche de Sephoria le 3 juillet. Raymond dirigeait l'avant-garde, Guy l'armée principale et Balian, Raynald et les sous-officiers formaient l'arrière-garde. Les croisés furent immédiatement sujet à de nombreuses attaques éclairs de la part de la cavalerie musulmane. Vers midi ce jour-là, l'armée des Francs avait atteint l'oasis du village de Turan située non loin de Sephoria. Les croisés se trouvaient alors à une dizaine de kilomètres de Sephoria. Avec seulement une demi-journée de marche restante, toute tentative de quitter cette source d'eau assurée pour atteindre Tiberias, sous la menace constante d'attaque de la part de l'armée de Saladin, devenait un exercice ardu. Mais Saladin rapporte que «Satan incita Guy à faire ce qui allait causer sa perte». Et en effet, Guy se rendit avec son armée en direction de Tiberias. Saladin décida donc de bloquer la retraite de l'armée des Francs en prenant le contrôle de l'oasis de Turan, et envoya deux ailes de son armée entourer l'armée des croisés. Cette manœuvre allait donner la victoire totale à Saladin. Essuyant continuellement les attaques de l'armée musulmane, les croisés furent obligés d'établirent un campement afin de réorganiser leurs forces, et ce, malgré le fait qu'ils étaient complètement encerclés. Sans eau et sans espoir de voir arriver quelque ravitaillement que ce soit, les croisés se retrouvèrent dans une situation particulièrement périlleuse. Le matin du 4 juillet, les croisés se trouvèrent aveuglés par la fumée générée par des feux allumés tout autour du campement par Saladin. La cavalerie musulmane lâcha ensuite une véritable pluie de flèches sur l'armée des croisés. Gerard et Raynald conseillèrent à Guy de former une ligne afin de tenter une attaque. Alors que les forces des croisés se réorganisaient, cinq des chevaliers de Raymond rejoignirent le camp de Saladin et l'informèrent de la situation au sein de l'armée de Guy de Lusignan. Assoifés et démoralisés, les croisés levèrent le camp et décidèrent de se rendre à l'oasis de Hattin, mais ils furent rapidement bloqués par l'armée de Saladin, qui les empêchait également de faire demi-tour. Les quelques tentatives des croisées de percer la ligne musulmane restèrent sans effet, et la plupart de l'infanterie des croisés rompit les rangs et déserta en direction des cornes de Hattin (une élévation rocheuse située non loin de la ville du même nom). Malgré une dernière tentative de Guy de Lusignan de bloquer les attaques de la cavalerie musulmane, mais sans infanterie, les chevaliers croisés furent taillés en pièces par les archers musulmans et la cavalerie fut obligée de charger à pied, et finit par se replier également vers les cornes de Hattin. Ibn al-Athir rapporte les paroles de Al-Afdal, à propos de la défaite des croisés : «Quand le roi atteignit la colline avec son armée, ils lancèrent une charge sauvage contre les musulmans, les forçant à la retraite jusqu'aux lignes dirigées par mon père (Saladin). Je l'ai regardé et vu qu'il avait l'air en détresse et il se tenait la barbe… Ensuite les musulmans retournèrent à l'attaque contre les Francs et grimpèrent la colline. Quand je vis les croisés fuir, pris de panique avec les musulmans à leur poursuite, je criais de joie : «Nous les avons battus !» Mon père se tourna vers moi et dit : ‘‘Tais-toi. Nous ne les battrons pas tant que cette tente (celle du roi) ne tombera pas.'' Quand Saladin eu finit de dire cette parole, la tente s'effondra». L'APRÈS-VICTOIRE Les musulmans avaient fait de nombreux prisonniers, incluant le roi Guy, son frère Amalric II, Raynald, William v de Montferrat, Gerard de Ridefort, Humphrey IV de Toron, Hugh de Jabala, Plivain de Botron, Hugh de Gibelet et de nombreux autres. La croix tant convoitée était également en leur possession, car l'évêque d'Acre fut tué pendant la bataille. Les captifs furent amenés dans la tente de Saladin, qui offrit à Guy un gobelet d'eau glacée comme signe de générosité et d'hospitalité de Saladin. Quand Guy passa le gobelet à son camarade Raynald, Saladin permit que ce dernier (âgé de 60 ans) puisse en boire, mais lui apprit ensuite qu'il ne lui offrait pas l'eau et qu'il n'était pas sujet aux règles d'hospitalité des musulmans. Quand Saladin accusa Raynald d'être un hypocrite qui brise ses serments, Raynald répondit : «Les rois ont toujours fait cela». Saladin exécuta alors Raynald lui-même, après que ce dernier eut refusé de se convertir à l'Islam. Guy tomba à genou en voyant le corps sans vie de Raynald mais Saladin lui demanda de se lever, car «les vrais rois ne s'entretuent pas entre eux». Les sources chrétiennes rapportent que la croix fut alors montée sur une lance et envoyée à Damas. Plusieurs des hommes de Saladin quittèrent son armée, amenant avec eux les prisonniers francs comme esclaves. Guy fut envoyé à Damas comme prisonnier avec d'autres croisés. Saladin prit ensuite la ville de Tiberias le 5 juillet, et le lendemain les templiers et ceux de l'ordre de Malte qui avaient été capturé eurent la possibilité de se convertir à l'Islam. D'après Imad al-Din, ces derniers devinrent par la suite de bons musulmans. A la mi-septembre, Saladin avait déjà pris Acre, Nablus, Jaffa, Toron, Sidon, Beirut et Ascalon. Jérusalem, bien que défendu par la reine Sybille, le patriarche Héraclius et Balian, tomba le 2 octobre après un rapide siège et une négociation de la reddition menée par Balian.