La conférence d'Alger sur la sécurité dans le Sahel a été l'espace d'une juste évaluation du défi auquel doivent se confronter les pays du champ, reconnaissant le lien dynamique qui existe entre sécurité et développement. Les différentes questions abordées durant les deux jours consacrés à la conférence d'Alger sur le Sahel ont constitué une matière très dense qui devrait nourrir la future stratégie commune aux pays du Sahel, associant leurs partenaires occidentaux, dans la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et la pauvreté. Programmée de la sorte, cette stratégie à venir, et que le rendez-vous algérois semble avoir cernée de façon assez déterminante, affiche déjà sa vocation multidimensionnelle, dans ce sens que la lutte antiterroriste cesse d'être tributaire de la seule solution militaire, ne pouvant plus se départir d'une approche socio-économique curative et préventive. C'est, autrement dit, une posture globale de sécurité qui, plus est, met à contribution une stratégie unique et unifiée à laquelle tous les pays de la région doivent adhérer et contribuer. Si une action concertée et commune est nécessaire, depuis des années déjà, pour lutter contre la pauvreté et ses symptômes, dont ses manifestations les plus abjectes, à savoir : le crime organisé et le terrorisme, la situation dans la région du Sahel semble avoir connu, à la faveur de la brèche ouverte durant les derniers six mois par le conflit libyen, une aggravation incontestable, favorisant la circulation de quantités importantes d'armes dans ce pays et vers les réseaux frontaliers. C'est là, la donne de départ face à laquelle une approche réaliste et déterminée de la part des pays du champ du Sahel a été formulée, donnant à voir une volonté commune, à tous ces pays, d'agir rapidement et efficacement contre le terrorisme et tous les phénomènes qui favorisent sa prolifération et sa persistance. La Libye, considérée avec prudence dans le contexte difficile qu'elle vit, n'en a pas moins été envisagée, durant cette conférence, comme un futur partenaire dans le cadre de la lutte antiterroriste dans la sous-région, à cette réserve près qu'il restera à savoir comment le gouvernement qui s'installe assumera ses responsabilités régaliennes en matière de sécurisation des bandes frontalières, et si le type de régime politique se montrera perméable au principe d'une lutte sans merci contre le terrorisme. ALGER HOSTILE À TOUTE FORME D'INGERENCE Si la constitution, depuis 2010, d'un cadre de coopération militaire consistant dans le Comité des Etats-majors opérationnels conjoint (COMEC) installé dans la ville de Tamanrasset, à l'extrême sud algérien, a été le signe fort quant à la volonté de l'Algérie de fédérer une action commune de lutte antiterroriste qui soit le pur produit des pays de la région, loin de toute ingérence étrangère, cette volonté de se prendre en charge, sans intervention extrarégionale directe, a été renouvelée lors de la conférence d'Alger, produisant un argumentaire sans faille qui puise ses éléments d'une réalité du terrain maintes fois éprouvée. Il s'agit en l'occurrence de l'échec de toutes les interventions militaires étrangères dont l'inefficacité est avérée, et de l'effet désastreux, en termes de perception locale, de la présence de troupes occidentales en terre d'Islam. AQMI comme d'ailleurs d'autres démembrements d'Al Qaïda en Orient, ont souvent brandi cet argument pour appeler au djihad, recrutant dans les rangs de jeunes que des prêches enflammés galvanisent au plus haut point autour du principe de sacralité de la terre d'Islam que profanent des infidèles qui plus est sont des militaires. La position algérienne semble d'autant plus explicable, à ce titre, qu'elle ne dément pas le rôle primordial que peuvent jouer les partenaires extrarégionaux que sont les USA et l'Union européenne, reconnaissant entre les efforts de lutte antiterroristes des uns et le soutien des autres une complémentarité certaine et incontournable. LE DEVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE, DES ARMES CONTRE LE TERRORISME La conférence d'Alger sur la sécurité dans le Sahel a été l'espace d'une juste évaluation du défi auquel doivent se confronter les pays du champ, reconnaissant le lien dynamique qui existe entre sécurité et développement, et préconisant, pour ce faire, la mise en place d'une stratégie intégrée et cohérente qui réponde à la nécessité de gagner à la fois les paris de la sécurité et du développement d'une part, et d'autre part à aborder ensemble ces défis, en vue d'une meilleure efficacité. C'est donc une réponse «nécessairement globale et multidimensionnelle» qui est aujourd'hui préconisée, qui doit valoir en termes de lutte contre le terrorisme, le crime organisé et la pauvreté. Il est évident que des populations désenclavées, intégrées socialement et économiquement ne seraient que très peu enclines, à l'abri des frustrations de la marginalité et du poids de la misère, à écouter les voix de l'extrémisme et à se laisser tenter par la violence criminelle et terroriste. Il est tout aussi évident que des populations livrées à elles-mêmes, dans les immensités désertiques, à la merci du moindre groupuscule armé qui décide de faire sa loi et de soumettre les plus faibles, sont très vulnérables et susceptibles, en tant qu'otages collectifs sans défense, d'obtempérer volontairement ou sous la contrainte, à un mode de vie et d'action qui sert les intérêts des groupes terroristes sévissant dans la région du Sahel. C'est en cela qu'un effort soutenu de développement économique et social qui permette d'intégrer et de réintégrer socialement les jeunes peut être, à moyen et long terme, un antidote efficace contre la violence terroriste et le crime organisé, empêchant les organisations terroristes de recruter et de renouveler leurs effectifs dans au sein de ces populations défavorisées. PLUS DE PAIEMENT DES RANÇONS Unanimement, les 38 délégations présentes à la conférence d'Alger ont salué la condamnation du paiement des rançons aux terroristes suite aux nombreuses opérations d'enlèvement et de prises d'otages menées par les éléments d'AQMI dans le Sahel. De nombreuses affaires de prises d'otages se sont, en effet, soldées ces dernières années par le paiement de millions d'euros aux groupes terroristes. Un geste équivalant, de la part des pays occidentaux concernés, à un véritable financement de l'effort de guerre que mène le terrorisme contre les pays de la région. Cela est d'autant plus vrai qu'à chaque fois qu'une opération de ce genre se solde par le paiement de rançons, elle encourage les terroristes à renouveler l'expérience.