Mahmoud Abbas qui sait que son peuple subit depuis la Naqba dépossessions, expulsions, discriminations, épurations ethniques, ose défier Benyamin Netanyahu, mettre au pied du mur Barack Obama qui a réitéré en 2010 son soutien à l'objectif «de deux Etats, Israël et Palestine, vivants côte à côte en paix et sécurité» avant la fin 2011 et mettre la communauté internationale face à ses responsabilités et ses contradictions au Proche-Orient. Face à l'impasse des négociations de paix entamées il y a près de 20 ans à Oslo, le chef de l'Organisation de libération de la Palestine, le «seul représentant légitime du peuple palestinien», soumettra ce vendredi à l'Organisation des Nations unies une demande d'adhésion de la Palestine dans les frontières du 4 juin 1967 avant l'occupation de la Cisjordanie et d'El Qods-Est, comme le 194e membre. Le président de l'Autorité palestinienne sollicitera aussi, malgré la certitude d'un veto américain et les pressions de Tony Blair, l'envoyé spécial du Quartette, un vote du Conseil de sécurité. Les thuriféraires d'Israël qui poursuivent les tractations à New York pour éviter une épreuve de force avec les Palestiniens soutenus par près de 150 pays, s'y opposent frontalement. Pour eux, comme pour les Américains qui promettent aussi de réduire leur aide à l'Autorité palestinienne (450 millions de dollars par an), ce projet débouchera sur une catastrophe. C'est-à-dire retour à la violence, voire à une guerre israélo-arabe. Ban Ki-moon, le secrétaire général, par qui doit passer toute requête aux Nations unies, compte agir «conformément à la charte». Tout en réitérant «son soutien à une solution à deux Etats (israélien et palestinien) et son désir de s'assurer que les deux parties puissent trouver une avancée pour reprendre les négociations dans un cadre légitime et équilibré» il invite, toutefois, selon Martin Nesirky, son porte-parole, les Israéliens et les Palestiniens à retourner à la table de négociations «dans le cadre d'une formule légitime et équilibrée». Invitation reprise par les membres du Quartette. Les Etats-Unis, l'Union européenne qui est divisée sur la question, la Russie qui appuie la demande palestinienne, tentent de relancer les pourparlers de paix, suspendus depuis un an, avec «des paramètres de discussion qui pourraient être acceptables par les deux parties» selon le chef de la diplomatie française Alain Juppé. Comme pour éviter un clash, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ne prévoient aucune réunion dans l'immédiat pour «voter». «Nous voulons laisser la voie ouverte à d'autres solutions, c'est-à-dire à la reprise des négociations et le cas échéant, à une saisine de l'Assemblée générale», précise Alain Juppé estimant comme la plupart des diplomates que l'actuel statu quo au Proche-Orient n'est «ni acceptable, ni tenable» car comportant un réel risque d'explosion. Abbas qui sait qu'il ne retournera à Ramallah «avec une indépendance totale», demandera-t-il un statut d'«Etat non membre» qui requiert un simple vote à la majorité de l'Assemblée générale, un statut pas très différent de l'actuelle «entité non membre» qui participe à titre d'observateur aux travaux de l'Onu mais qui permettra à l'Autorité de contester devant la Cour pénale internationale la présence des 500.000 Israéliens vivant à El Qods-Est et en Cisjordanie et de transférer les pourparlers de paix du cadre du Quartette à celui de l'ONU. «Nous déciderons après le vote du Conseil de sécurité», déclare Abbas convaincu que son forcing à New York mettra, un, la pression sur Obama, deux, forcera Netanyahu à reprendre les négociations aux conditions palestiniennes, c'est-à-dire l'arrêt de la colonisation en Cisjordanie et à El Qods-est, trois, «ternira» davantage l'image de l'Amérique en plein «printemps arabe». Annoncé politiquement mort à maintes reprises, Abbas restera-t-il dans l'Histoire comme l'homme qui a précipité la reconnaissance d'un Etat palestinien après plus d'une soixantaine d'années de lutte ? Sans doute. Même si le «veto» d'Obama, synonyme d'échec de Abbas à court terme, renforcera Hamas et le Djihad Islamique, les seuls mouvements palestiniens opposés à la création d'un Etat dans les frontières du 4 juin 1967.