Photo : Slimene SA. Le tourisme thermal bat son plein, ici, dans la région de Bouhanifia, dans la wilaya de Mascara, située à 380 km d'Alger. C'est l'une des huit stations médicalisées du pays qui accueille beaucoup de curistes, et c'est tout à fait normal que les structures d'accueil affichent complet notamment celles de l'EGT relevant du secteur public. Le temps semble figé dans cette région à vocation agricole, avec sa plaine de Ghris, ses monts de Beni Chougrane. Les bains traditionnels côtoient les thermes de la station appartenant à Gestour et qui comptent trois grands hôtels. A chacun ses visiteurs, entre passagers d'un jour des wilayas du centre du pays, d'Oran, Tiaret, Bel Abbès ou Tizi Ouzou ou les autres pensionnaires. Une clientèle très diversifiée. C'est ce que nous indiquent les plaques minéralogiques des voitures parquées en face du grand hôtel Beni Chougrane. A la réception de l'hôtel, un coup d'œil sur les tarifs, mais à quoi bon, «c'est complet», nous rétorque l'agent. Les mutuelles des organismes publics, de l'enseignement, les sociétés comme Sonatrach ont tout accaparé. S'ajoutent les curistes couverts par la sécurité sociale. Ceux qui n'ont pas pris leurs précautions en réservant à l'avance peuvent se contenter de certains hôtels-dortoirs du privé qui ont du mal à se conformer aux nouveaux standards de l'hôtellerie édictés récemment. En tout cas, ils ne sont destinés qu'au sommeil, les bains se trouvant ailleurs notamment à la station qui a introduit de nouveaux produits. A part un hôtel ouvert, il y a une année et demie, par un privé, selon son gérant, il y a beaucoup de choses à dire sur les commodités minimales. Autant dire que malgré les 53 hôtels que compte la wilaya dont 43 uniquement à Bouhanifia, le manque de structures d'hébergement se fait sentir. D'ailleurs, les responsables de la wilaya ne s'en cachent pas, ce sont 23 hôtels qui ont été fermés par mesures de sécurité en raison du «manque de conformité aux règles régissant les infrastructures hôtelières et touristiques.» Cela dit, des projets sont en cours puisque l'on prévoit la réalisation de 17 nouveaux hôtels, selon M. Mansour Noureddine, le directeur du Tourisme, soit une capacité de 661 lits supplémentaires. Quatre devront bénéficier d'une mise à niveau seulement. Mais qu'est-ce qui attire les citoyens vers la station ? Les avis divergent entre ce couple de Tiaret qui est à la recherche «d'un séjour de relaxation, de repos» ou cette vieille envoyée par la sécurité sociale pour «des douleurs au dos». 80% DES VISITEURS SONT DES CURISTES, SURTOUT «CEUX DU TROISIÈME ÂGE» En fait, plusieurs soins sont prodigués par la station, nous dit le directeur d'exploitation, qu'il s'agisse de rhumatisme dégénérant, c'est-à-dire l'arthrose, le rhumatisme inflammatoire, les séquelles de traumatismes, les problèmes de la sphère ORL. M. Hammam Salem explique que «80% des fréquentations proviennent des curistes», surtout «ceux du troisième âge». Au bloc médico-thermal, les curistes qui sont orientés par le médecin peuvent avoir droit à des bains carbo-gazeux, des massages sous l'eau, à des douches dorsales. D'autres types de soins sont prodigués lorsqu'il s'agit de physiothérapie telles les séances d'infrarouge. Enfin pour les curistes à la recherche de rééducation fonctionnelle, ils sont astreints à des tractions lombaires, la gymnastique collective, etc. Il y a une séance matinale pour les femmes alors que l'après-midi est réservé aux hommes. Les curistes libres peuvent y être admis. Le chef du service kinésithérapie, Noureddine Challal, nous explique la prise en charge des malades et leur suivi évitant cependant ceux en proie à la tension. Les bains ont sur le malade un effet «sédatif et relaxant, et peuvent agir dans le sens d'une décontraction musculaire touchant y compris les membres et articulations enraidies». «Nous faisons très attention» dit-il, car «il faut surveiller, faire le tri». «Nous avons dû faire une injection à un curiste qui s'est aventuré à prendre un bain alors que son rhumatisme était en période inflammatoire». «C'est déconseillé», a-t-il ajouté Dans les bains, au-delà d'un certain temps, l'agent vient frapper à la porte surtout lorsqu'il s'agit de personnes âgées. Il veut s'assurer que «tout va bien», dit-il. Les quelques curistes approchés viennent soit pour se soulager des séquelles d'une fracture soit d'une arthrose. Ils disent sentir «un léger mieux», une «sensation de relax», mais ils doivent revenir régulièrement. Heureux ceux qui disposent d'une prise en charge. Les anciens thermes ont été rénovés. 40 chambres avec bain ont été ouverts au public, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. C'est le grand rush, et pourtant ce n'est pas jour férié, à tel point qu'il faut patienter un peu pour voir son tour arriver. Les bains sont très bien entretenus mais cela coûte quand même 200 DA, à tel point qu'un client a dû dire à haute voix qu'à ce prix-là, «j'aurais pu me contenter d'un sauna à Alger.» Pour les responsables, les eaux de Bouhanifia, grâce à leurs principes minéraux actifs, sont utilisées «avec succès dans le traitement des diverses affections d'origine rhumatismale, gastrique, gynécologique et ORL». Elles atteignent les 70°. Ce qui prouve cette affluence des grands jours. Le Dr Larbi Belkebir, qui ausculte les curistes avant la prescription du type de bain, observe que les malades qui fréquentent la station «viennent pour le traitement des séquelles neurologiques tels les hernies discales, la rhumatologie, les traumatismes.» Question vigilance et à propos de la prévention de la grippe porcine, les gobelets qu'utilisaient d'une manière collective les curistes aux trois sources, aménagées au milieu de l'hôtel, ont été supprimés. Cela dit, le rush ne doit pas cacher cette réalité, les nuitées sont un peu chères. Il n'y a pas de chambre à moins de 3500 DA au luxueux Beni Chougrane, chez le privé, les chambres ne valent pas le déplacement. La station a certes sa propre clientèle mais le directeur d'exploitation note toutefois que la contribution de la sécurité sociale est insignifiante. Elle ne couvre que 6020 DA pour les 21 jours du séjour, le malade devra apporter le complément qui se chiffre à 17.000 DA pour l'hôtel des bains, 25.000 DA pour le grand hôtel et 30.000 DA pour le Beni Chougrane. C'est la «différence de classe et donc de prix.» La station existe depuis la nuit des temps; elle a servi de «centre de repos pour les blessés américains lors de la Seconde Guerre mondiale», disent les témoins. L'hôtel a été construit en 1937 et nationalisé en 1967 pour faire partie du patrimoine touristique national. Elle dispose de trois hôtels de niveau différent, le Beni Chougrane, opérationnel en 1983 puis le grand Hôtel et l'hôtel des Bains. Quant à l'hôtel des Sources qui est fermé actuellement, les responsables de l'EGT veulent en faire «un nouveau joyau de type 5 étoiles avec 40 chambres», selon le responsable de la station. La station a déjà conquis une clientèle appréciable y compris parmi les sportifs. Les joueurs du Ghali de Mascara, lorsque l'équipe était à son apogée, c'est-à-dire évoluait en nationale, y élisaient domicile pour les divers regroupements. Et c'est tout à l'honneur des gestionnaires. Les travailleurs ne parlent plus de privatisation ; ils rétorquent que c'est démodé avec «la reprise par l'Etat de Hammam Rabi de Saïda et l'hôtel Zianides de Tlemcen», disent-ils. Ils tirent la conclusion que les pouvoirs publics «n'y croient plus en cette expérience». Reste à la confirmer par des résultats et fidéliser la clientèle qui ne sera pas tentée par des cures ailleurs, en Tunisie, par exemple. Les responsables devront ainsi, par exemple, penser au recrutement d'un kiné femme pour prendre en charge la gente féminine.