Le Yémen qui fait face depuis 2004 à une rébellion chiite dans le Nord, à un foyer séparatiste dans le Sud, déclare une guerre totale contre Al-Qaïda et met en garde ses ressortissants contre toute aide à cette organisation qui a revendiqué l'attentat manqué du 25 décembre contre le vol 253 de la Northwest Airlines entre Amsterdam et Detroit. Certains «religieux» parlent de complot. Dans une fatwa émise jeudi, cent cinquante dignitaires musulmans réunis à Sanaâ ont autorisé le djihad, la guerre sainte, en cas d'intervention étrangère, sans donner de précision sur les auteurs de cette éventuelle invasion. « La guerre que les forces de l'ordre ont déclarée aux éléments d'Al-Qaïda est ouverte partout où nous les trouverons. Le Yémen est déterminé à éradiquer Al-Qaïda de son territoire et les opérations se poursuivront de manière intensive, pour ne pas laisser à ses éléments le temps de reprendre leur souffle», peut-on lire dans un communiqué du ministère yéménite de la Défense, qui non seulement met en garde les citoyens contre la tentation de cacher des éléments de l'organisation mais les appelle à coopérer avec l'appareil de sécurité et l'informer. Sans grands moyens, le Yémen qui a sollicité l'aide saoudienne, pourrait suggérer aux Américains de recourir à des «drones armés, des raids aériens ou des opérations clandestines» selon Carl Levin, le président de la commission de la Défense au Sénat américain. Cette odyssée pourrait-elle s'arrêter au Yémen ou se prolonger jusqu'en Somalie et au Kenya si elle est entamée pour permettre aux Etats-Unis d'établir leur présence militaire le long de la façade occidentale de l'océan Indien ? «Dans le cas où des éléments étrangers chercheraient à engager les hostilités, procéderaient à un assaut ou à une intervention militaire au Yémen, l'Islam exige que tous les fidèles participent au djihad», déclarent les religieux, dont Cheikh Abdul-Majid al-Zindani, un imam très influent présenté par Washington comme le mentor d'Oussama ben Laden. Justifiant leur décret religieux par un «complot» tramé contre leur pays, les ulémas ont proclamé «leur refus total» de «toute intervention étrangère, qu'elle soit politique, militaire ou sécuritaire». Ils se sont également dits opposés «à toute présence étrangère, tout accord militaire ou toute coopération sécuritaire ou militaire avec une quelconque partie étrangère qui ne soit pas en accord avec la charia». Cruel dilemme pour Sanaâ qui a accepté, par nécessité, l'aide américaine pour lutter contre Al-Qaïda qui veut étendre ses opérations en Arabie Saoudite, le premier exportateur mondial de pétrole et qui doit ménager ses «religieux» pour combattre ses rebelles au Nord et au Sud. La déclaration yéménite au lendemain de l'annonce de la mort de plusieurs éléments du réseau d'Al-Qaïda, dont Qassem Al-Rimi, le chef militaire dans la péninsule de cette organisation en compagnie de cinq de ses frères, laisse croire que Sanaâ a choisi son camp : éradiquer ceux qui ont «menacé de faire exploser les écoles primaires mixtes» et s'opposent déjà à la conférence internationale sur le Yémen, prévue le 28 janvier à Londres, estimant que cette réunion conduirait à imposer «un mandat» sur le pays. Dans leur fatwa, les 150 ulémas dont certains sont proches du groupe d'islamistes liés aux forces des services secrets israéliens arrêtés l'an dernier, ont appelé les participants à la conférence de Londres à «respecter la souveraineté et l'indépendance du Yémen» et à ne pas chercher à imposer à ce pays «une forme de protectorat».