Depuis quelque temps, les projecteurs sont braqués sur un des pays les plus pauvres du monde arabe : le Yémen. Secoué par une crise complexe politique interne, il représenterait une alternative pour les extrémistes islamistes traqués en Afghanistan ou au Pakistan. Le Yémen est au centre de deux guerres dans le Sud et dans le Nord. Le tout sur fond de luttes tribales et confessionnelles. Le Sud est sunnite chaféite, le Nord zaïdite. Dans un pays où la corruption prend des proportions alarmantes, il y a 60 millions d'armes en circulation. Cependant, l'intérêt américain pour ce pays est loin d'être nouveau. Les autorités américaines fournissent une assistance régulière mais discrète aux services de renseignements et aux forces gouvernementales. L'armée locale est d'ailleurs intervenue récemment contre un repaire d'El Qaïda. Les autorités ont annoncé l'arrestation de 29 membres présumés du mouvement. La partie américaine a refusé de confirmer si des avions de combat américains, voire des drones, avaient participé aux attaques et à la logistique. Le gouvernement yéménite dit avoir lancé, le 17 décembre dernier, des attaques dans lesquelles plus de 30 membres d'El Qaïda ont été tués. Mais une cinquantaine de civils, dont des femmes et des enfants, auraient péri dans ces opérations. D'après le quotidien américain New York Times, Washington aurait fourni des armes et des renseignements à l'armée yéménite pour ces raids meurtriers. Pas de confirmation américaine. En septembre, devant l'ampleur des combats à l'intérieur du Yémen, Obama avait adressé à son homologue yéménite Ali Abdallah Saleh une missive lui promettant une aide sur le front antiterroriste. En 2009, le département américain de la Défense a fourni au Yémen une aide antiterroriste officielle d'environ 67 millions de dollars. Le montant n'inclut pas les missions secrètes confiées aux forces spéciales américaines et à la CIA. Loin des très médiatiques terrains irakien et afghan, le Yémen reste l'un des pays où la nébuleuse El Qaïda est le mieux implantée. En octobre 2000, dans le port d'Aden, le contre-torpilleur américain «USS Cole» a été la cible d'un attentat sanglant : 17 morts parmi les marines. Avant l'intervention américaine de novembre 2001, les Yéménites constituaient le groupe le plus important dans les camps d'entraînement afghans. Sur les 198 suspects toujours détenus à Guantanamo, 91 sont yéménites. Les négociations entamées en vue de leur rapatriement piétinent toujours. Depuis la fusion en 2009 des branches saoudienne et yéménite, regroupées sous la bannière «El Qaïda dans la péninsule Arabique», le pays est entré dans une phase nouvelle de l'action terroriste. «Le Yémen est vite devenu un deuxième front très important», notamment parce que les autorités ne peuvent assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire, opinent les observateurs. Mais la situation au Yémen est loin d'être simple. Outre la traque des membres d'El Qaïda, Sanaa doit faire face à un soulèvement chiite dans le Nord et à des velléités séparatistes dans le Sud. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis se sont accordés sur le financement d'une unité antiterroriste spéciale au Yémen. Objectif : extirper le pays de l'infiltration d'El Qaïda. Suite aux décisions américaine et britannique de fermer leurs ambassades à Sanaa, l'Espagne a également fait de même pour quelque temps en raison de la menace terroriste. Les informations montrent pour la complication de la situation sécuritaire. Les provinces australes du Yémen, notamment les régions montagneuses, à savoir Chabwa, Al Baydha et Aden, auraient récemment été les témoins d'une présence accrue et d'une puissance renforcée des activistes d'El Qaïda. Le mois dernier, les autorités yéménites ont déclaré que plusieurs activistes avaient été arrêtés lors d'un raid lancé contre les repaires du groupe terroriste dans la province d'Abyan et le district d'Arhab, nord-est de Sanaa. L'AQAP a juré vengeance. Bien que Sanaa ait affirmé que le raid avait été lancé par l'armée yéménite, le groupe en a attribué la responsabilité aux Américains, s'engageant à prendre pour cible leurs intérêts dans le pays. Le président américain, Barack Obama, a accusé la branche d'El Qaïda dans la péninsule d'Arabie, basée au Yémen, d'avoir formé et équipé le Nigérian impliqué dans l'attentat manqué contre le vol Amsterdam-Détroit du 25 décembre dernier. El Qaïda a revendiqué la responsabilité de cet attentat manqué et a appelé à des attaques contre les missions diplomatiques étrangères au Yémen. Après concertation avec le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, à Sanaa, le commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan, le général David Petraeus, a déclaré que son pays soutient le Yémen dans sa lutte contre le terrorisme. Le président Saleh a déclaré à cette occasion que le Yémen et les Etats-Unis renforcent leur coopération dans la lutte contre le terrorisme. Le quotidien américain Washington Post rapporte que l'assistance militaire américaine au Yémen pourrait doubler cette année. Parallèlement, la Grande-Bretagne a proposé la tenue d'une réunion internationale fin janvier pour discuter des moyens d'empêcher le Yémen de devenir une nouvelle base stratégique des terroristes. Mais le Yémen a démenti des informations selon lesquelles Sanaa avait déjà signé un accord avec Washington permettant aux Etats-Unis de lancer des attaques sur le terrain contre les cachettes présumées d'El Qaïda en territoire yéménite. Devant les critiques internes, le ministre yéménite indique que la coopération antiterroriste avec un pays étranger se concentre plutôt sur l'échange de renseignements et la formation du personnel et non sur la coordination de lancements d'attaques conjointes. «Le Yémen n'est pas un refuge pour les activistes d'El Qaïda», se défendent les officiels yéménites. En Irak, en Afghanistan et au Pakistan, dans les zones tribales, on tient le même discours. M. B.