Nouméa est proche de l'embrasement généralisé. Le port est bloqué, les rues bloquées et les commerces et les portes de l'entreprise hermétiquement fermées. De plus, une tendance anti-raciste «anti-blanc» s'affirme et se renforce. Par-delà le climat social dégradé, généré par le conflit entre la compagnie locale Aircal et le puissant mouvement syndical de l'Ustke (Union des travailleurs kanaks et des exploités), le malaise généralisé se fait sentir dans l'Ile pacifié. «Tout cela n'est pas grave, mais ce qui pose problème, c'est l'installation de la violence et l'intelligibilité de l'Ustke», soutient un infirmier habitant en Nouvelle Calédonie, Xavier fonquerne. Le syndrome de 1988, provoqué par la prise d'otage des gendarmes dans l'Ile d'Ouvéa et l'assaut sanglant donné dans la grotte de Gossana contre les indépendantistes kanaks, plane sur Nouméa qui vit le temps de la remise en cause et du malaise social d'une jeunesse désabusée et privée des bienfaits des richesses minières inégalement réparties. Après la guerre civile de 1988, opposant les kanaks et les «Caldoches», tout l'héritage de Matignon et de Nouméa sanctionnant l'accord de paix réglementant le partage du pouvoir et le réequilibrage entre les ethnies se délite dans la désintégration de l'esprit communautaire présenté en acquis majeur. «La violence n'apportera rien à ce pays, juge un étudiant. En revanche, il faut mieux partager les richesses pour pouvoir avancer ensemble : blancs, kanaks, asiatiques et polynésiens». Si la construction d'un destin en commun est l'enjeu principal en Calédonien, la radicalisation est le fait aussi des attentes particulièrement liées au référendum d'autodétermination prévu par l'accord de Nouméa entre 2014 et 2018. Une attente légale et légitime qui est placée en porte à faux avec les orientations de la politique africaine de Sarkozy qui veut garder la Nouvelle Calédonie dans le giron de la France», selon Rock Wamytan, président du groupe FLNKS, ancien président de la formation indépendantiste et grand chef de la tribu de Saint-Louis. Dans un entretien au quotidien «l'humanité», il estime qu' «on ne peut pas comprendre cette tension sociale sans évoquer la reprise en main politique voulue par Nicolas Sarkozy dès son arrivée à la présidence de la République. Ce gouvernement fait clairement le choix du tout-sécuritaire. «Ne bougez pas un petit doigt ou nous frapperons», telle est sa devise. Cette volonté de reprise en main est sensible dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer. Voyez la précipitation avec laquelle l'État a décidé de faire de Mayotte un département français, au mépris des résolutions de l'ONU sur l'intégrité territoriale des Comores. Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs annoncé la couleur dès 2006 dans sa campagne présidentielle. Sur le fond, il a opté pour une politique de réaffirmation de la puissance de la France et de l'autorité de l'État dans ce qu'il appelle «les outre-mer». En Nouvelle Calédonie, cette politique passe d'autant plus mal que le pays est engagé, depuis l'accord de Nouméa, dans un processus de décolonisation et d'émancipation». La décolonisation n'est donc pas pour demain. Lors du sommet France-Océanie, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, qui représentait la semaine dernière Nicolas Sarkozy au sommet France-Océanie, a accueilli les délégations des pays voisins en leur souhaitant la bienvenue dans «cette terre de France». Une telle formule qui parle d'elle-même, note Wamytan. Elle l'expression du refus manifesté contre toutes formes d'autonomie et l'accession à la souveraineté pleine et entière, conformément au droit international.