Au lendemain de la disparition d'Annasr version française, beaucoup de professionnels de l'époque n'ont pas parié cher pour une bande de copains à peine sortie de l'adolescence, à qui on avait confié le lancement d'un nouvel hebdomadaire sportif. Et pourtant, c'est une équipe très accrocheuse qui a pris les commandes et qui va aller loin dans ses ambitions. Les membres fondateurs que sont Salim Mesbah, Boubaker Hamidechi, Mustapha Manceri, Rahmani Aziz et Mohammed Kammas, ont d'abord fait leur initiation à Annasr, seul quotidien régional de l'Est. Ils doivent notamment leur apprentissage à Ahmed Benslama, dit El Gat, rédacteur à Annasr. Après l'arabisation du quotidien, on confie donc une nouvelle mission à nos amis. Mustapha Manceri nous explique : «On avait appris qu'Annasr allait être arabisé, mais personne ne se doutait qu'on allait nous réintégrer dans un hebdo sportif. Franchement, on n'avait aucune expérience. On avait cogité durant les trois premiers mois, car il faut savoir que la fabrication d'un hebdo est plus compliquée qu'un journal. Dans un quotidien, il est facile de ramener les informations, par contre dans un hebdomadaire il faut aller les chercher, ça demande un vrai travail d'investigation et d'élaboration, en plus il fallait réadapter la manière d'écrire des journalistes. Heureusement la transition était rapide». Et surprise ! ça marche à merveille ! En quelques mois, El Hadef est arrivé à faire un score que même les plus grands quotidiens de l'époque n'ont pas pu réaliser. La barre des 100 000 exemplaires tirés fut atteinte après seulement quatre mois d'exercice, et avec le temps c'était encore plus : 250 000 exemplaires, rien ne pouvait stopper El Hadef sauf peut-être les machines de l'imprimerie qui tournaient alors au maximum. El Hadef était un souffle puissant et audacieux dans un paysage journalistique algérien encore clos. Et même si Sport Actualité et le supplément de Révolution Africaine ont tenté de suivre le pas, El Hadef les a rapidement étouffés. Diffusé chaque samedi, El Hadef revenait sur l'actualité du week-end en épluchant les championnats de D1 et D2 entre interviews, analyses de matchs, chroniques, reportages, mais aussi d'autres sports avaient leur espace (boxe, athlétisme, handball…). Cela dit et à l'image du pays, c'est le football qui s'est imposé tout seul, les correspondants et les journalistes faisaient la couverture des grands rendez-vous footballistiques : Coupes du monde 1982, 1986 et 1990, les JO de Los Angeles, plusieurs CAN, tous les Jeux méditerranéens et africains, ainsi que les éliminatoires de la Coupe du monde et de la CAN. Au milieu des années 1980, El Hadef réussit deux exploits : d'abord la création d'un supplément week-end qui sortait le jeudi pour la présentation de la journée de championnat, puis le tirage est passé au mode couleur, une première à l'Est. L'acquisition d'une certaine notoriété à l'échelle nationale était telle que même le journal Annasr en langue arabe, qui faisait carrément de la résistance face aux autres concurrents, avait «sauvé» sa face grâce aux ventes d'El Hadef puisque ce dernier dépendait administrativement d'Annasr. Et dire que le premier directeur d'Annasr, un certain Ferrah présageait une durée de vie quasi nulle pour Manceri et ses coéquipiers. L'impact d'El Hadef reste aussi grand, quelques anciennes plumes continuent d'exercer, Hamidechi, Benmohammed, Bellagha, d'autres sont à la retraite, Kammas, Rahmani, Benkhalef, Manceri et d'autres ont hélas ! disparu, notamment Mesbah, qui a laissé un vide immense à ses camarades.