Qui a dit que l'Algérie était, à l'époque coloniale, un pays inculte ? En manque de civilisation, de culture ? Le beau livre de Mohamed Sadek Messikh «L'Algérie des premiers photographes» démontre bien le contraire ! Car l'ouvrage, édité chez les Editions Du Layeur en France, s'ouvre sur des photographies anciennes, datant d'entre 1850 et 1910, signées par des auteurs occidentaux, qui nous font découvrir une tout autre Algérie que celle «présentée» pour le colonisateur français. Une Algérie cultivée par ses érudits, ses écoles coraniques, ses écoles de filles, d'arts traditionnels, embelli par ses musiciens et musiciennes, jalouse de son patrimoine artisanal, avertie par ses notables, ses aghailks et riche par ses «majalis» où se décidait son avenir. L'ouvrage prend l'allure d'une sorte de fenêtre à travers laquelle on peut se pencher pour regarder circuler les habitants de la Casbah dans leurs beaux habits traditionnels. On peut aussi apercevoir ces cordonniers, habiles, qui réparent les chaussures des clients ou encore ces gens qui s'amusent à jouer aux dominos, à l'ombre, bien protégés du soleil. Faire connaissance avec ces algéroises, mais également constantinoises, oranaises, tlemcéniennes,…qui se cachent des regards à l'extérieur mais se dévoilent dans leur intérieur, dans un univers plein de couleurs et de musiques. Rien qu'à les regarder, au pied des colonnes de leurs maisons à l'architecture turque, on peut les imaginer formuler les «bouqalates» (poésies) qui ont fait la réputation notamment des algéroises. Elles sont aussi dans leurs ateliers où elles transforment le fil en sublimes tapis ou en costumes délicats qu'on continue à admirer jusqu'à nos jours. Un vrai plaisir pour l'œil ! L'ouvrage qui renferme une centaine de photographies, prend aussi l'allure d'un tapis magique qui nous fait voyager dans les différentes régions de l'Algérie, nous permettre de faire escale dans chaque oasis, village, ville, rue, mosquée. A commencer par la Grande Mosquée d'Alger qui a l'honneur de faire l'objet de la première photographie (photo sur métal ou daguerréotype) en Algérie, prise il y a 150 ans par un auteur inconnu. Mais la capitale n'était qu'un point de départ. Très vite, les photographes professionnels et amateurs, curieux et avides de senteurs orientales, se sont mis à explorer toute l'Algérie. D'ailleurs, cet ouvrage se construit sur trois volets, exposant des illustrations sur Alger, Constantine, Oran et leurs régions, brassant ainsi le centre, l'est et l'ouest du pays. De belles photographies, conçues avec art, tellement délicates, fascinantes par ses jeux d'ombre et de lumière, qu'on croirait avoir, sous nos yeux, des tableaux de peinture ! «Ce foisonnement d'images prises en Algérie pendant près d'un siècle par des photographes explorateurs ou professionnels, sont autant de témoignages sur l'histoire d'un pays si attachant et si complexe», estime Mohamed Sadek Messikh, collectionneur de photographies anciennes sur l'Algérie et l'auteur de ce beau livre. Un ouvrage qui esquisse le visage d'une Algérie résistante, défigurée certes par le colonialisme, mais qui a su préserver sa force identitaire.