De toutes les denrées ayant bouleversé le cours de l'histoire, la minuscule graine magique provenant du caféier demeure unique en son genre. Avec ses vertus médicamenteuses, elle grimpa l'échelle des valeurs pour devenir reine de tout l'orient et l'occident. En Amérique du Sud, à qui l'attribue un pan de l'histoire au Robusta, le Brésil détient le monopole d'une culture coloniale dans laquelle les portugais avaient l'art de sévir. Au pays de la reine de Saba, l'histoire du berger ayant découvert les bienfaits du café a déteint sur toute la péninsule arabique. Les Ethiopiens se réclament être les précurseurs de ce breuvage tropical. A tout seigneur tout honneur, les ottomans sont venus couper la poire en deux, pour avoir donné naissance au «Cave». Dans toute cette bataille autour de l'identité du café, le Maghreb fait figure de promoteur attitré du café. L'histoire le lui rend bien. Cheikh Abou El Kacem Chadli, maître soufi du 11e siècle eut à en découdre avec ses adeptes sur la potion magique à prendre lors des veillées spirituelles. En savourant la toute première tasse de café, les voies impénétrables se soulevèrent pour élire le café comme boisson culte. Au point de ne jurer que par cette dernière devenue breuvage béni. Le café devint denrée noble sous l'appellation de Chadilia autour de laquelle on parle projets de société, ou encore négocier des alliances. Il était de tous les évènements. Les liseurs de destin ont consulté le marc à café pour prédire la bonne parole. La palme revient aux cafés maures d'Alger qui, durant des siècles ont porté haut les couleurs du café. Mariages, baptêmes ou cérémonies religieuses, la fumante tasse revient en vogue pour détrôner le thé. Vecteur économique mondial, il fait titiller les bourses au gré des fluctuations financières. Les vastes champs de caféiers africains s'arrogent la pérennité d'une production pétrie de qualité. Il en restera tout temps pour faire du café la reine des boissons. De l'arabica qui est bien passé par les grandes cours orientales au capuccino des Garibaldi en Italie, il y eut Lucrèce Borgia pour humer l'arôme magique dans le faste de florence. Pour suivre le cheminement de cette mystérieuse denrée, Nizar Kabani nous fait voyager dans la « liseuse de marc » pour prédire l'avenir aux plus pessimistes. A chaque temps, son breuvage, dit-on. A se demander si la reine de Saba n'a pas séduit Salomon par la tasse de café.