Dans la petite maison de l'impasse des Druzes, l'histoire est revenue traverser le patio au pas de charge, avant de s'arrêter net face à une image d'un jeune homme de soixante-quatorze ans, souriant et barbu, en pantalon bouffant et gilet élégant, les cheveux pris dans une queue de cheval. Sans le savoir, on était chez Himoud Brahimi, surnommé "Momo", le sage, le 133e saint de la Casbah, soufiste, comédien, poète et philosophe, personnage fugace du film "Pépé le Moko", champion d'apnée capable de converser avec les dauphins de l'ancien môle du port d'Alger. Quand Momo passe dans les ruelles la Casbah, il retrouve son sourire d'enfant. Chez lui, l'escalier en spirale s'élève comme un chemin de prière vers une petite pièce ajourée, pleine de tapis, de peaux de moutons et d'instruments à corde avec, au-dessus de la fenêtre, un tableau où brille La Mecque. Lové dans sa méditation, Momo ne sortait plus que rarement mais il sent tout. Il sait tout de la Casbah, devenue le centre de son univers. Il peut vous parler des heures du souffle originel, des cinq points de la pyramide ou de cette vieille ville que seuls les ignorants osent appeler un quartier "parce qu'ils ne voient pas que la Casbah est une pulsation qui porte en elle le mouvement de tout ce qui nous a précédé". Il souffre de la voir malade, prise par la haine, la violence et la peur, ne reconnaît plus ces ruelles ! Il montre le Coran : "tout est là. La guerre ou la paix. On y prend ce qui résonne en nous''. La maison de Momo a bien été la seule à ne pas être fouillée. Face à ce vieillard un peu fou, la légende retrouve son personnage. La Casbah reprend son souffle pour déclamer une Iliade en l'honneur d'un de ses valeureux fils qui ont tant donné, pour que résonne la fête dans cette cité aux mille et une histoires. Là-bas, sur le grand môle, il y a toujours de la place pour la méditation. Lui, le chantre du soufisme, Ami Brahim reviendra cette semaine dans sa position assis en croisé tailleur, pour dialoguer avec El Bahdja, celle qui l'a bercé et protégé durant la longue nuit coloniale.