Baya Gacemi rejoint la liste de nos confrères déjà disparus. D'une formation de sociologue d'où lui vient en premier lieu cet intérêt, cette disponibilité pour l'écoute des autres, elle s'est revelée surtout à partir du milieu des années 80 dans l'hebdomadaire Algérie- Actualités. Elle y signait des articles et enquêtes dans la rubrique société. Elle a fait partie de cette fournée de jeunes qui apportèrent, à l'instar de Ghania Mouffok, Fadila Benabadji, Kheddidja Zeghloul ou de Tewfik Hakkem, du sang neuf à l'hebdomadaire. Dans un contexte de parti unique et d'information sous contrôle, ils se distinguaient par des écrits qui tranchaient avec le ronron habituel. Baya Gacemi n'était pas seulement de cette race de journaliste qui se contentait d'écrire, de suivre avec condescendance l'actualité. Son métier était un outil au service des opprimés, notamment les femmes. Elle faisait partie du cercle de celles qui s'échinaient à dénoncer justement les inégalités dont elles étaient victimes dans leur foyer ou dans la vie professionnelle. Elle tâtait aussi le pouls du monde du travail en relatant de nombreux conflits. Une révoltée qui ne mâchait pas ses mots et étalait ses colères. De retour d'un reportage sur le tourisme à Ghardaia, elle évoquera le déclin de l'hôtel Rostémides. « On vous sert dans des tasses ébréchéés, les ressorts vous pénètrent dans les côtes ». Sa chute est un concentré de sa personnalité. « Supprimez les étoiles ou assurez le service qui va avec ». Avec la regrettée Dahbia Yacef, elle était également très engagée dans le mouvement des journalistes algériens. Après la libéralisation du secteur, elle a fait partie de nombreuses rédactions, évoluant dans le sillage du grand nom de la presse en l'occurrence le défunt Ameyar Kheïrerdine. D'abord à l'hebdomadaire la Nation et ensuite au quotidien la Tribune dont elle a dirigé la rédaction entre 1994 et 1996. Son parcours durant ces vingt dernières années est assez chaotique. Elle a changé à maintes reprises de rédaction, passant de l'Observateur à Algérie News ces derniers mois où elle a tenu une chronique vite disparue. Elle fut aussi la correspondante du magazine français l'Express. Mais elle restait insatisfaite et rêvait du jour où elle posséderait son propre journal. Elle a fini par avoir L'époque qui, par son ton satirique, déparait dans le paysage médiatique en 2004 qui a duré juste une année mais la maladie dont elle parlait si peu était déjà là. Elle ne donnera pas le temps à cette femme pleine d'entrain et de volonté d'écrire son second livre après celui qui fut édité au Seuil en 1998. Elle avait alors recueilli les aveux d'une femme d'un terroriste, justifiant cette réputation d'humaniste qui ne dédaignait de capter les souffrances de ses compatriotes.