• Abdelkrim Dali (au milieu), photo du disque 78 tours, 1947. Trente deux ans après sa disparition, qu'a-t-on, de grâce, gardé de ce maître de la chanson classique algérienne, si ce n'est, hélas, ces marronniers d'hommages qui nous reviennent, en boucle, chaque année, avec ce même goût insipide ? Et dont on se demande franchement l'utilité. Car le spectacle- on ne sait pas si le mot conviendrait à l'événement- offert jeudi dernier à la salle Ibn Zeydoun à Alger, en hommage au regretté Abdelkrim Dali- n'a pas échappé- on s'attendrait quelque peu- à cette espèce d'apathie qui frappe depuis quelques temps ce genre d'initiatives, louables à l'idée, lamentables à la mise en œuvre. N'était-ce la présence sur les lieux du dernier Mohican de l'âge d'or de la musique andalouse, l'autre grand maître Sid Ahmed Serri, qui a tout de même pu sauver les meubles d'une cérémonie aux relents ronronnés, et qui n'honore en rien ce monumental artiste qu'on ne saurait, en quelques mots, mesurer ni le talent, encore moins le travail titanesque qu'il s'est donné pour la promotion, mais aussi la préservation de ce patrimoine musical très cher à nous tous. Il y a eu certes, l'opportune communication biographique- et le livre Cheïkh Abdelkrim Dali, Une vie (ENAG2009 ), une œuvre, présentée à l'occasion- d'Abdelkader Bendameche, spécialiste de la musique du terroir, et président du Festival national de la chanson Chaâbi, lequel a déroulé à l'auditoire l'immensité du talent du défunt. Un film documentaire retraçant la vie et l'œuvre du maître, a été également diffusé pour l'occasion. Sinon, le reste… Bien sûr, la talentueuse Beihdja Rahal, s'en est bien sortie en exécutant Nouba Raml, alors que Nouri El koufi, lui, de sa voix puissante et cristalline, a puisé dans le répertoire du Cheikh, sous la férule de Nadjib Kateb, chef d'orchestre de l'association de musique andalouse Kortoba d'Alger. Bien sûr, la fondation qui porte le nom du regretté, créée récemment, et présidée, par sa petite fille, s'est démenée, dans les conditions qu'on connaît, pour donner jour à cette célébration, qui intervient, faut-il s'en étonner, à...plus de deux mois de la date initiale. Bien sûr enfin, qu'on est, à l'évidence, loin, même très loin, de pouvoir rendre à César ce qui lui appartient. L'artiste devait sûrement se retourner dans sa tombe. On aurait bien aimé qu'une date aussi illustre donne lieu, non pas à une petite soirée mémorielle, mais à toute une manifestation, qui aurait eu pour tâche de perpétuer l'œuvre de ce digne représentant de la culture algérienne. Sommes-nous moins ingénieux pour ne pas, par exemple, penser à donner jour à un colloque national, maghrébin voire même international pour traiter du sujet ? Qu'est ce qui nous empêche pour inscrire dans les programmes scolaires cet illustre maître qui a donné sa vie entière au service de l'art. Sinon, n'est-ce pas scandaleux, pour nous Algériens, de ne connaître de Dali que les deux enregistrements télévisés, diffusés à l'occasion des deux Aïd ?! Qu'est-ce qu'on attend, par exemple, pour baptiser de son illustre nom, une rue, un boulevard ou on ne sait quoi encore ?... bref, un amas de questions, de questionnements et d'angoisses surtout, qu'on n'a pas réussi malheureusement à résoudre, 32 ans après sa triste disparition. On ne manquera pas pour autant de saluer l'idée du coffret musical réunissant quelques morceaux de l'œuvre, et concocté par M.Bendameche, sous la houlette du ministère de la Culture. Mais aussi pour l'ouvrage suscité, une première, que ce dernier avait publié il y a quelques mois. Sans oublier à la fin le travail associatif ô combien difficile que sa petite fille Ouahiba effectue depuis la création de la fondation Abdelkrim Dali.